L’Empereur et l’Impératrice du Japon sont actuellement au Vietnam pour leur première visite dans le pays. Une visite historique pour rencontrer les conjoints et enfants des soldats japonais restés après la Seconde guerre mondiale et l’occasion ici de traiter d’un sujet méconnu de l’Histoire du Japon.
Ce mardi le couple impérial s’est rendu au Vietnam pour un voyage de plusieurs jours qui passera par Hanoi puis l’ancienne capitale impériale vietnamienne, Hué, avec un objectif précis : celui de développer les relations entre les deux pays, mais aussi celui de rencontrer les familles des soldats japonais restés au Vietnam après la guerre et ainsi délivrer un message pacifiste.
Le Japon a envahi le Vietnam en 1940 et après la capitulation du Japon, de nombreux soldats sont restés dans l’Indochine française. Au même moment, un dénommé Hô Chi Minh prend le pouvoir et proclame l’indépendance du Vietnam. Bien que ce dernier ait combattu l’invasion japonaise durant la Seconde guerre mondiale, ce sont environ 700 soldats japonais qui sont restés au Vietnam après la guerre pour continuer à se battre, les traînards ou « zanryū nipponhei » ou « les soldats japonais restants » pour une traduction littérale, dont une grande partie a rejoint la lutte du leader vietnamien contre les colons français. Ces soldats ont continué de se battre car l’ordre leur avait été donné de tenir bon et de ne jamais se rendre, et ils ont donc été incapables de croire en la capitulation. A tel point que les derniers traînards n’ont été découverts que des décennies après la fin de la guerre, en 1974 ! Prenons l’exemple de Hirô ONODA, soldat envoyé en poste aux Philippines, occupées alors par les Américains, en 1944. Il était tellement incapable de croire en la fin de la guerre car son supérieur, le Major TANIGUCHI, lui avait ordonné de ne jamais se rendre et d’attendre les renforts qu’Hirô ONODA a préféré se cacher avec 3 autres soldats dans les montagnes dans l’attente de renforts promis. Si un de ses camarades se rend en 1950, les deux autres compagnons se font tuer les années suivantes. C’est alors que le Japon se rend compte que des traînards subsistent mais malgré leurs recherches, aucune trace de soldats japonais. C’est bien plus tard, alors qu’il était déclaré mort par le Japon en 1959, qu’un étudiant japonais le retrouve à Lubang mais borné, le soldat refuse toujours obstinément de croire en la capitulation du Japon, sauf si son supérieur le lui indique. Ainsi, le jeune étudiant retrouve le Major TANIGUCHI et donne des preuves de vie d’Hirô ONODA. Le Major se rend à Lubang retrouver son soldat et lui dit enfin la vérité en lui demandant de rendre les armes. Hirô ONADA est en 1974 le tout dernier soldat japonais restant à se rendre. Au-delà de ce cas particulier, d’autres soldats japonais ont préféré rejoindre la lutte pour l’indépendance du Vietnam en étant conseillers ou encore officiers et ont épousé des vietnamiennes pour fonder une famille. Sauf que lorsque le Japon rappelle ses soldats en 1954, le pays refuse à cette époque que ces soldats rentrent chez eux, au Japon, avec leurs femmes et leurs enfants, étrangers. En conséquence, des familles sont brisées en raison du départ brutal de ces soldats partis en laissant derrière eux leur femme et leur(s) enfant(s) pour ne plus les revoir ou presque. En atteste le récit d’une de ces femmes : Nguyen Thi XUAN, dont le mari a disparu du jour au lendemain en 1954 alors qu’ils avaient deux enfants et qu’elle attendait leur troisième. Elle pensait alors qu’il était parti en mission pour un ou deux ans mais après six années d’attente, elle le croit mort. Ce n’est qu’en 2005, que Nguyen Thi XUAN revoit son époux en apprenant par hasard que ce dernier est toujours en vie et qu’il a refait sa vie, et semble-t-il sans amertume. Pourtant, la discrimination à l’égard des femmes mariées à ces soldats japonais et leurs enfants, dont le « vice » était d’être métisses, était grande comme l’indique le fils de Nguyen Thi XUAN, qui raconte : « Les gens m’appelaient fils de Japonais, fils de fasciste. ».
Ce sont donc ces femmes et ces enfants, il en demeure aujourd’hui quelques centaines, que le couple impérial va rencontrer ce jeudi 2 mars. Une visite qui revêt un caractère historique puisque c’est la première fois qu’un empereur du Japon se rend au Vietnam, et participe ainsi à promouvoir les relations amicales entre les deux pays. D’autant plus que cette visite impériale va dans le sens d’un message de paix voulu par l’Empereur et rend ainsi hommage aux victimes de la Seconde guerre mondiale. Le couple impérial se rendra ensuite ce dimanche en Thaïlande avant de retourner au Japon lundi.
Sources : Asahi Shimbun, the Japan Times, Ulyces.
Photo : l’Empereur Akihito et l’Impératrice Michiko peu avant leur départ vers le Vietnam ©KYODO source the Japan Times