Les Aïnous bientôt légalement reconnus comme peuple indigène ?

C’est une première au Japon ! Le gouvernement va soumettre une proposition de loi à la Diète inscrivant noir sur blanc la reconnaissance des Aïnous comme un peuple indigène, et ainsi mettre fin à des décennies de discrimination.

Longtemps, les Aïnous étaient un peuple qui n’avait pas le droit de parler leur propre langue ni même de pratiquer leur propre culture ! Pourtant, il s’agirait du premier peuple à s’installer au Japon, en dépit de l’absence de textes puisque le peuple aïnou ne possède pas d’écriture, la transmission culturelle étant orale.  Mais c’est durant l’ère Meiji que la situation des Aïnous se dégrade en raison de l’installation, à partir de 1869, de Japonais sur l’île de Hokkaido, terre des Aïnous avec les Territoires du Nord (disputés encore aujourd’hui entre la Russie et le Japon). C’est le début d’une assimilation forcée par les Japonais, aggravée en 1899 par la promulgation de la loi sur les anciens aborigènes de Hokkaido, interdisant aux Aïnous de pratiquer leur langue et leurs coutumes. Une situation qui n’a pas évolué même avec la fin de la Seconde guerre mondiale et la nouvelle Constitution du Japon, qui indique pourtant dans son article 14 que « Tous les citoyens sont égaux devant la loi ; il n’existe aucune discrimination dans les relations politiques, économiques ou sociales fondée sur la race, la croyance, le sexe, la condition sociale ou l’origine familiale. ». Cette interdiction datant de Meiji est restée valable jusqu’en 1997, lorsqu’un premier pas avait été réalisé avec la promulgation de la loi pour la promotion de la culture aïnoue et pour la dissémination et le soutien des traditions aïnoues et de la culture aïnoue grâce à la volonté de l’un d’entre eux, Shigeru KAYANO, premier et seul Aïnou à avoir été membre de la Diète. En 2008, autre évolution avec la reconnaissance par le biais d’une résolution par le Parlement japonais de l’existence même de la population aïnoue. Mais, cette reconnaissance symbolique intervenait un an après que l’ONU ait adopté une déclaration sur les droits des peuples autochtones selon laquelle chaque pays devait prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits des populations indigènes. Cette même année, il était recensé 70 000 Aïnous tandis que d’après les dernières estimations de 2017, ils ne seraient désormais que 12 300, conséquence d’une assimilation forcée qui n’aura que trop duré.

 

20 ans après l’abolition de la loi de 1899, la situation a évolué mais elle demeure difficile pour les Aïnous, qui se sont sentis obligés de se cacher pour éviter la discrimination en atteste la baisse du nombre d’Aïnous.  Ce qui pourrait changer avec cette proposition de loi soumise à la Diète et qui devrait être examinée avant la fin de la session ordinaire, le 26 juin. Le texte propose notamment de reconnaître légalement les Aïnous comme un peuple indigène, ce qui jusqu’à aujourd’hui n’avait pas été le cas. La proposition de loi veut également interdire toute discrimination à leur égard mais aussi de prendre les mesures nécessaires au soutien et à la promotion de la culture aïnoue comme le déclare Yoshihide SUGA, porte-parole du gouvernement : « Il est important de promouvoir l’honneur et la dignité du peuple aïnou et de les transmettre à la prochaine génération » ! C’est ainsi qu’un musée national aïnou et un parc devraient ouvrir à Shiraoi, Hokkaido, en avril 2020. Ce qui changera aussi pour ce peuple autochtone, si le texte est approuvé à la Diète, c’est que le gouvernement autorisera le peuple Aïnou à pratiquer leurs rites culturels, en acceptant que les Aïnous abattent des arbres sur leur territoire pour ce faire ou en les autorisant à pêcher le saumon selon leurs traditions.

 

Bien que cette proposition de loi soit une bonne nouvelle, elle interpelle néanmoins sur le fond. L’épineux sujet du traité de paix entre la Russie et le Japon est régulièrement mis sur la table ces dernières années, incluant notamment les désaccords toujours profonds en ce qui concerne les Territoires du Nord. Une alternative en ce qui concernait ces territoires, où résident de nombreux Japonais dont des Aïnous, était la coopération économique entre les deux pays en 2016, en attendant une issue. Se pourrait-il alors que, les Aïnous, longtemps discriminés par les Japonais, soient aujourd’hui un argument de poids pour que le Japon récupère les Territoires du Nord (ou Kouriles du sud pour les Russes), terre des Aïnous ? Car rappelons que cette population autochtone était la première à s’installer sur ces territoires, avant que ne débarquent les Japonais puis les Russes et donc bien avant les différends territoriaux. Des Aïnous avaient même revendiqué la territorialité de ces îles en 1992, sans succès.

 

Sources : The Japan Times, Groupe International de Travail pour les Peuples Autochtones, Asahi Shimbun, Japon Infos.

Photo : La danse Aïnou est inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO depuis 2009. ©2007 by Ainu association of Hokkaido.

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