Après « Les Délices de Tôkyô » et « Le rêve de Ryôsuke », « L’enfant et l’oiseau » est le dernier roman de Durian SUKEGAWA. A découvrir aux éditions Albin Michel depuis le 2 mai.
Durian SUKEGAWA est un auteur de roman qui s’intéresse à des sujets de société. Il avait mis en avant le traitement des personnes atteintes de lèpres dans l’émouvant « Délices de Tôkyô» (2016), acclamé dans l’adaptation cinéma par Naomi KAWASE, puis à la relation entre l’homme et la nature dans « Le rêve de Ryôsuke » (2017). Ce n’est pas sa seule casquette puisque s’il se fait connaître chez nous en tant que romancier, il est connu au Japon pour être également poète, fondant la Société des poètes qui hurlent, alliant lectures de poèmes et musique punk rock lors de performances. Mais il a aussi animé de nombreuses émissions de radio comme pour la télévision, notamment « Kinpatsu Sensei » sur TV Asahi ! Il est également clown. Auteur de nombreux livres, « L’enfant et l’oiseau » est son 3ème roman édité en France.
Résumé officiel : Johnson, tombé du nid, est le seul survivant de sa fratrie. A bout de forces, le jeune corbeau est recueilli par Ritsuko, femme de ménage et mère célibataire, qui décide de le ramener chez elle au mépris de l’interdiction d’héberger des animaux dans son immeuble. Bien lui en prend, car son fils adolescent, Yôichi, se passionne pour l’oiseau qui l’entoure de mille soins. Un jour, le gardien fait irruption chez eux et Johnson, que Yôichi avait caché sur le balcon, s’envole. C’est le début pour lui d’une longue errance. Il sait qu’il ne peut retourner auprès de son ami et cherche à survivre dans une ville hostile. Une rencontre va lui sauver la vie…
Dans « L’enfant et l’oiseau », Durian SUKEGAWA explore de nouveau cette relation entre l’humain et la nature. Il s’intéresse cette fois au traitement réservé aux corbeaux dans la capitale japonaise à travers le récit de Johnson, l’oiseau. Les corbeaux y sont en effet considérés comme des rats volants, ou comme les pigeons dans la capitale française, soit des animaux nuisibles qu’il ne faut ni nourrir ni secourir. Si les Japonais sont réputés pour leur attachement à la nature, il s’avère parfois qu’ils prennent des décisions radicales lorsque la nature tente de reprendre ses droits sur la ville. C’est le cas des corbeaux, dont Arte avait diffusé un reportage sur le sujet en 2007, « Les Corbeaux de Tôkyô ». Le documentaire révélait que la métropole recensait alors 40 000 corbeaux pour 12 millions d’habitants, un vrai problème pour les Tokyoïtes car les corbeaux sont bruyants et détériorent les poubelles pour y trouver de quoi se nourrir. Ces oiseaux sont réputés pour leur intelligence et certains d’entre eux auraient même attaqué des humains. A tel point que le gouvernement métropolitain de Tôkyô a mis en place depuis plusieurs années une solution pour protéger les poubelles mais aussi une politique d’extermination partielle de ces oiseaux et de leurs nids ! C’est ce qui est décrit dans « L’enfant et l’oiseaux », et ce que semble désapprouver l’auteur en narrant l’histoire de Johnson, ses pensées et émotions, et en y justifiant certaines actions commises par les corbeaux.
Titre : L’enfant et l’oiseau
Auteur : Durian Sukegawa
Traduction : Myriam Dartois-Ako
Editeur : Albin Michel
Date de sortie : le 2 mai 2019
Prix conseillé : 18€
L’avis de Yuuki K. :
Le traitement infligé aux corbeaux n’est pas le seul sujet abordé par l’auteur dans ce roman puisqu’il s’intéresse aussi au regard de la société japonaise face à la différence à travers la situation de Ritsuko et de son fils, Yôichi. Par la description d’un quotidien difficile, l’auteur lève le voile sur la condition de vie d’une femme divorcée avec un enfant à charge et qui n’a d’autres moyens que de vivre dans un logement social. En narrant les pensées de Yôichi comme celles de Ritsuko, et alternant avec la vie de Johnson, Durian SUKEGAWA critique une forme de rigidité de la société japonaise ne laissant pas de place aux exceptions, tendant à isoler voire à éliminer ce qui dévie. A la lecture du titre, je pensais ainsi lire un roman sur une amitié entre un oiseau et un enfant. J’en sors en fait un peu révoltée et surtout « bouleversé[e] », comme le promettait la quatrième de couverture. Si cette amitié entre Johnson et Yôichi est bel et bien au cœur de ce roman, l’auteur s’attache surtout à décrire une réalité difficile tant pour ce corbeau que pour cette mère célibataire et son fils, laissant peu d’espoir en une fin heureuse. Durian SUKEGAWA invite les lecteurs, surtout les citadins, à s’interroger sur leur propre relation avec leur environnement naturel. Les corbeaux considérés par une partie des habitants comme des nuisibles, le sont-ils réellement ? N’y a-t-il pas d’autres solutions pour vivre en harmonie ?
Visuel : couverture de « L’enfant et l’oiseau. ©Albin Michel.