Un regard sur A la cour du Prince Genji, 1000 ans d’imaginaire japonais à la MNAAG !

En tant que média, j’avais été prévenue dès cet été de l’arrivée de cette exposition, et depuis lors j’étais vraiment très impatiente d’en découvrir le contenu. En raison d’un imprévu personnel, j’ai failli passer à côté mais le vrai regret aurait été de manquer cette exposition ! Outre des objets d’art dont les motifs sont inspirés du Dit du Genji de Murasaki Shikibu, le musée expose pour la première fois un ensemble de quatre rouleaux tissés à la main et dont les photos ne rendent pas justice. A admirer jusqu’au 25 mars 2024.

Le Dit du Genji est un des textes fondateurs de la culture japonaise et un classique de la littérature du Japon. Ecrit pendant l’époque de Heian (794 – 1185) par la poétesse Murasaki Shikibu, il évoque automatiquement cette culture du raffinement à la japonaise, que l’on connaisse le texte uniquement dans les grandes lignes ou qu’on l’ait lu. Même en France, bien que cette époque de Heian soit méconnue comparée à celle d’Edo ou de Meiji, le Dit du Genji semble être ancré dans l’esprit des Français comme étant un symbole de la culture japonaise en atteste les plus de 600 invités présents lors du vernissage de l’exposition et les journalistes venus en nombre lors de la visite presse.  Ce récit est si important aux yeux des Japonais qu’il a été une source prolifique d’inspiration artistique et l’est encore aujourd’hui en atteste des œuvres récentes exposées dans A la cour du Prince Genji, 1000 ans d’imaginaire japonais comme des planches de manga mais surtout le clou du spectacle, ces quatre rouleaux tissés par l’artisan maître Itarô YAMAGUCHI.

C’est quoi le Dit du Genji ?

Genji monogatari, de son titre original, est un roman psychologique – le premier au monde, écrit au XIème siècle par une femme, Murasaki Shikibu. Fille d’un gouverneur, elle devient au décès de son mari une dame de compagnie dans la cour de l’Impératrice consort Shoshi. Elle est considérée aujourd’hui comme une des Trente-six poétesses éternelles – son œuvre littéraire contient elle-même plus de 800 waka ou poèmes de 31 syllabes en 5-7-5-7-7. Le Dit du Genji met en scène la vie du prince Hikaru Genji sur une période de 75 ans, en 3 parties, elles-mêmes découpées en plusieurs livres, 54 au total. Si ce roman est considéré comme fondateur de l’identité japonaise, c’est qu’il décrit avec précision la vie dans cette cour et les arts pratiqués, or, vous pourrez constater dans cette exposition que cette œuvre aura inspiré bon nombre d’autres œuvres diverses et variées tout au long du millénaire qui a suivi sa rédaction jusqu’aux mangas actuels !

Les rouleaux tissés de maître Itarô YAMAGUCHI (1901 – 2007)

Itarô Yamaguchi (1901-2007) regardant ses rouleaux ©Akira Nonaka

Décédé en 2007, cet artisan-tisseur de Nishijin (Kyôto) a consacré les 35 dernières années de sa vie à tisser ces 4 rouleaux inspirés du Dit du Genji. Les illustrations sur lesquelles il s’est reposé sont des rouleaux illustrés ou emakimono de la période de Heian considérés comme un Trésor national du Japon. Vous pouvez voir dans la salle consacrée aux rouleaux de maitre YAMAGUCHI, les différents essais qu’il a tissés ! Le résultat final est admirable, avec des détails tout aussi raffinés que le texte dont il est inspiré. Par exemple, il y’a un rouleau où on peut voir un effet de transparence d’un tissu noir sur une véranda : il s’agit véritablement d’un tissu transparent tissé par-dessus. Quelques décennies plus tôt, vous pouvez voir un autre effet de transparence employé par l’artisan qui a alors utilisé une autre technique de tissage pour cet effet (voir photos des deux œuvres en question postées sur notre Instagram @tokyoatparis). Maître Itarô YAMAGUCHI a fait don de l’intégralité de ces rouleaux au MNAAG ! Selon les explications du président de la Fondation Sasakawa, Shigeatsu TOMINAGA, partenaire de l’exposition, ce geste de gratitude pour la France s’explique parce qu’à une période où le tissage de Nishijin était en péril, dans la seconde moitié du XIXème siècle, la France a été d’un grand secours en donnant un métier à tisser Jacquard, ce qui a permis de relancer l’activité de Nishijin ori ! Si maître YAMAGUCHI est né après cet évènement, il n’oublie pas la dette de sa profession et c’est ainsi qu’à 70 ans il entame le chef-d’œuvre de sa vie. A noter, qu’il existe deux séries de rouleaux : l’une qui est exposée au musée Guimet et celle conservée par l’entreprise familiale à Kyôto.

Pour conclure, je ne peux que vous recommander d’aller visiter A la cour du Prince Genji, 1000 ans d’imaginaire japonais. Que vous soyez amateur d’arts, curieux d’en connaître un peu plus sur une culture étrangère, ou simplement un amoureux de culture japonaise, c’est l’exposition du moment à aller voir ! Signe aussi que le musée Guimet s’inscrit davantage dans l’interaction avec le public, car après une expérience du qi dans Médecines d’Asie, l’institution propose cette fois une expérience olfactive concordant avec un art typique du Japon, celui du kôdo ou encens, dans la dernière partie de cette exposition. Aussi, n’hésitez pas à vous rendre au musée avant la fin janvier, ainsi vous pourrez visitez à la fois cette exposition, celle de Pierre-Elie de PIBRAC (jusqu’à fin janvier) mais aussi visiter la salle permanente consacrée à la Corée et au Japon qui a rouvert ses portes récemment ! Enfin, procurez-vous le catalogue de l’exposition, à 35€, qui donnera encore davantage d’explications et analyses sur ce chef-d’œuvre littéraire.

Salle du kôdo dans A la cour du Prince Genji à la MNAAG ©Japan Exclusive
  • A la cour du Prince Genji, 1000 ans d’imaginaire japonais du 22 novembre 2023 au 25 mars 2024 au musée national des arts asiatiques – Guimet, 6 place d’Iéna 75116 Paris. Tarif plein à 13€.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.