Quand a été annoncé l’élection de Yuriko KOIKE comme nouveau Gouverneur de la capitale nippone, deux traits semblaient la caractériser : le fait que ce soit une femme nommée à ce poste, une nouveauté, mais aussi le fait qu’elle soit membre du Parti Libéral Démocrate, du côté conservateur. Son élection est-elle à voir sous un angle positif?
Précédemment ministre entre 2003 et 2006 en charge de l’environnement, mais aussi première femme, bien que quelques mois seulement, à être ministre du portefeuille de la Défense en 2007, Yuriko KOIKE déclarait lors d’une conférence-débat à Paris en début d’année combien il était difficile d’être une femme avec des ambitions professionnelles, et estimait alors qu’il fallait que plus de femmes soient élues lors des élections de la Chambre Haute cet été. Si la place des femmes n’a pas fait la une de ces dernières élections, c’est bien en revanche Yuriko KOIKE elle-même qui a réalisé un exploit en parvenant à se faire élire Gouverneur le 31 juillet dernier, parmi une vingtaine de candidats, après la démission de Yoichi MASUZOE, et ce malgré l’absence de soutien par son propre parti politique, le PLD, en dépit des womenomics. Et la place des femmes devient une ligne majeure de sa politique, celle la plus mise en avant avec entre autres propositions, celle d’ouvrir davantage de crèches. N’était-elle pas celle qui déplorait l’absence de femmes dans les hautes sphères politiques et en affaires, ici-même à Paris ? Et d’ailleurs, profitant des Jeux Olympiques de Rio et de la bonne performance des japonais et des japonaises, ces dernières raflent la moitié des médailles obtenues par le pays, la Gouverneur espère que cette performance se reflètera également par la suite dans les autres sphères du travail. Outre cet objectif-là, Yuriko KOIKE compte également mettre tout en place pour les Jeux Olympiques de 2020, dont l’organisation a déjà été largement ternie par des scandales à répétition, notamment financiers. C’est ainsi qu’elle tente de montrer l’exemple en annulant sa venue lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, ne venant que pour la passation du drapeau olympique lors de la cérémonie de clôture. Mais Yuriko KOIKE rappelle également un slogan, utilisé déjà lorsqu’elle dirigeait le ministère de l’Environnement auparavant, « réduire les déchets, réutiliser et recycler », qu’elle compte appliquer dans la capitale avant 2020, et ainsi faire un meilleur usage des taxes locales, sujet polémique pour les tokyoïtes quand on parle de Tokyo 2020. Lors de son élection, la nouvellement élue en avait profité pour rappeler que ses 3 prédécesseurs avaient dû démissionner pour des scandales financiers, et insista alors sur son désir de regagner la confiance des électeurs. Cependant, Yuriko KOIKE est également une femme conservatrice, proche du lobby révisionniste Nippon Kaigi, qui appuie la volonté de Shinzo ABE de revoir la Constitution du pays, n’hésitant pas à décrire la Constitution pacifiste d’ « imparfaite », et soutient la révision des manuels d’Histoire niant l’implication du Japon dans la Seconde guerre mondiale. A ce propos, Yuriko KOIKE a été la seule candidate à avoir le soutien de la Atarashii Rekishi Kyōkasho o Tsukuru Kai, soit en français la Société japonaise pour une réforme des manuels d’Histoire, une organisation révisionniste.
Malgré de réjouissantes propositions quant à la place des femmes, son attachement au Nippon Kaigi et ses précédents rôles au sein des différents gouvernements font que la presse, nationale comme internationale, met en garde ceux qui s’en contenteraient trop vite. Yuriko KOIKE est certes une femme, cependant, son parcours atypique et sa vie personnelle, mariée mais sans enfant, font qu’elle n’est pas à considérer comme un exemple à suivre pour les femmes qui ont voté pour elle. Toutefois, celle qui défend bec et ongles la place des femmes dans le travail semble vouloir que les comportements évoluent, et peut-être faire en sorte que les femmes pourront finalement concilier vie professionnelle et vie privée. Reste à voir si la nouvelle Gouverneur tiendra ses promesses à Tokyo et peut-être montrer la voie aux autres préfectures.
Photo : Yuriko KOIKE lors de la conférence sur la place des femmes en politique et en entreprise à l’Assemblée Nationale, le 11 février 2016. ©Japan FM 2016
Sources : The Japan Times, Asahi Shimbun, Libération, The Independant.