Il est des romans qui peuvent aider à la compréhension d’une époque, tout en demeurant d’actualité lorsqu’on les lit des décennies plus tard. « Tourbillon » est de ces romans. Peu connu en romancier, c’est d’ailleurs son unique roman, Bin UEDA aborde dans son livre une problématique toujours existante aujourd’hui.
Synopsis officiel : Ueda Bin (1874-1916) fut à la poésie ce que Sôseki Natsume fut au roman : un maître. Professeur visionnaire de littérature étrangère à l’Université impériale de Kyôto, il fut considéré comme le plus grand traducteur de poésie européenne de son temps. Son œuvre majeure, Kaichô-on, marqua ainsi profondément son époque et la poésie japonaise contemporaine. A cet égard, son unique roman, Tourbillon, dont il s’agit ici de la première traduction française. Véritable mise en abîme, il est avant tout une réflexion profonde sur la quête de soi et l’identité japonaise.
Titre : Tourbillon
Titre original : Uzumaki
Auteur : Bin UEDA, traduction d’Hiroko OGAWA
Sortie : 18 septembre 2014
Editeur : L’Harmattan collection Lettres japonaises
Où : en librairie ou chez l’éditeur
L’avis de Yuuki K.
Vous n’êtes-vous jamais demandé comment les Japonais avaient perçu l’ouverture du Japon et l’arrivée de l’Occident dans leur culture ? « Tourbillon » de Bin UEDA est un roman, et bien que ce soit un roman, donne bien au contraire des clés pour comprendre comment les Japonais ont bien pu percevoir l’ouverture vers l’Occident. Bin UEDA, un nom méconnu en France et pourtant connu au Japon pour avoir introduit et traduit, il est considéré comme le plus grand traducteur en ce domaine, de nombreuses poésies européennes. Professeur de littérature étrangère à l’université de Kyoto, il fut aussi un important guide intellectuel et culturel de son époque. Et il s’agit de son seul et unique roman qui fut mal reçu lors de sa première publication en 1910 au Japon en raison des critiques de l’auteur sur la société japonaise. « Tourbillon » sans être autobiographique, quoi que, retrace la vie d’Haruo, qui est sans aucun doute Bin UEDA lors de ses jeunes années d’étudiant. Il s’agit alors ici pour le lecteur de découvrir comment la pensée du jeune Haruo/Bin UEDA se forme et vers où elle tendra. Mais « Tourbillon » est également une œuvre qui est aussi essentielle puisqu’elle livre ce que le Japon continue à subir actuellement, soit un choc des cultures. A travers les rencontres et les dialogues avec d’autres protagonistes, ce roman donne des indices sur la manière dont les Japonais ont commencé à apprivoiser l’Occident et les oppositions d’idées dues aux différences culturelles entre Occident et Japon dans la société japonaise, y compris dans l’élite. Ainsi Bin UEDA critique dans « Tourbillon » la société japonaise, et notamment son élite ancrée dans la tradition, et qui a bien du mal à accepter certaines mœurs si différentes des leurs, en y opposant Haruo qui ne conçoit la vie sans « stimuler tous les sens » par un enrichissement intellectuel et culturel et donc veut « se jeter dans le tourbillon de la vie ».
Le plus, « Tourbillon » est un roman court, qui peut se lire assez facilement puisqu’il fait moins d’une centaine de pages hors préface, commentaires et biographie. Justement, en parlant de cela, il faut souligner un travail remarquable de l’éditeur, qui ne livre pas seulement un roman, mais un véritable outil pédagogique. Cette collection « Lettres japonaises » de L’Harmattan à laquelle appartient ce roman, propose aux lecteurs français des œuvres littéraires japonaises qu’elles soient classiques ou qu’elles soient contemporaines. Ainsi « Tourbillon » a eu droit à une édition commentée et idéalement documentée afin d’offrir aux lecteurs des clés de compréhension du texte que ce soit au niveau du contexte de l’époque, et même de la vie et de la pensée de l’auteur via le commentaire du roman par Hiroko OGAWA et une biographie de Bin UEDA situés tous deux juste après le roman. « Tourbillon » étant en effet le reflet des années de jeune adulte de l’auteur, qui on le rappelle est méconnu en France, la compréhension de ce livre se serait avérée bien plus complexe sans ces éléments supplémentaires. Saluons alors ici le remarquable travail de traduction d’Hiroko OGAWA dont la thèse de doctorat portait sur la carrière de Bin UEDA, un travail salué en préface par Dominique MILLET-GERARD.
On ne sait si les prochaines publications de la collection Lettres japonaises de L’Harmattan auront droit elles aussi à des éditions commentées et documentées, mais ce qui est certain c’est que cette édition de « Tourbillon » fait partie de ces livres qui peuvent permettre à une meilleure compréhension entre deux cultures, d’autant que ce roman trouve toujours écho aujourd’hui.
Photo : extrait de couverture de « Tourbillon » de Bin Ueda, aux éditions L’Harmattan.