En 2016, l’agence publicitaire Dentsu Inc. fait encore parler d’elle en raison d’un nouveau cas de suicide parmi ses employés, intervenu en décembre 2015 et très médiatisé en 2016. Fin décembre, son président annonce sa démission et le Premier Ministre lance un appel aux chefs d’entreprises. La semaine passée, Black Corporation Award a décerné à cette agence le prix du « Most Evil Corporation of the year ».
Nous vous avions déjà parlé du karôshi, soit la mort d’un employé en raison d’une surcharge de travail. Phénomène présent au Japon, c’est surtout une entreprise en particulier qui symbolise l’abus d’heures supplémentaires pouvant découler au suicide : Dentsu. Cette agence publicitaire est une société très ancienne, fondée en 1901, et une des plus importantes dans le monde, actionnaire par ailleurs du groupe Publicis par exemple. Mais en 2016, Dentsu avait été largement médiatisé en raison du suicide d’une de ses employés âgée alors de 24 ans. Cette dernière s’était donné la mort en sautant du haut d’un immeuble servant de dortoir à l’agence le soir du 25 décembre 2015, après avoir vainement tenté posté des messages d’alerte via les réseaux sociaux décrivant une situation devenue intenable: « Je n’ai plus d’émotions, je veux seulement dormir. » ou encore « Deux heures de sommeil par jour est extrême. ». Pourtant, la jeune femme était arrivée au sein de la prestigieuse agence depuis seulement quelques mois, mais elle terminait la plupart du temps à faire nombreuses heures supplémentaires pouvant aller jusqu’à 105 heures supplémentaires de travail sur un mois, sans oublier le harcèlement dont elle a été victime à plusieurs reprises par ses supérieurs ! L’inspection du travail en a conclu à un karôshi plusieurs mois après son suicide et déclare fin décembre que l’agence publicitaire sera poursuivie en justice. Or ce n’est pas la première fois que l’inspection du travail enquête dans les locaux de Dentsu, puisqu’il ne s’agissait pas là du premier suicide karôshi. Un autre jeune employé, âgé également de 24 ans, avait également fait les frais des conditions de travail au sein de l’agence et s’était donné la mort en 1991, -c’était le premier suicide lié aux conditions de travail pour Dentsu. En début d’année, l’inspection du travail a aussi reconnu que le décès en 2013 d’un autre employé dû à une maladie était en réalité dû à trop d’heures de travail. Encore plus surprenant, c’est qu’un article du Japan Times révèle que Dentsu avait fait l’objet de 10 enquêtes par l’inspection du travail durant cette dernière décennie, avant le suicide de la jeune femme le 25 décembre 2015, et que les autorités avaient alors alerté 5 fois l’agence en raison des conditions de travail médiocres et plus particulièrement l’excès d’heures supplémentaires effectués par leurs employés. Ces mauvaises publicités pour Dentsu ont poussé son président, Tadashi ISHII, à annoncer fin décembre sa démission, qu’il présentera courant janvier, exprimant sa pleine responsabilité quant au suicide de la jeune employée. Ces décès tragiques ont également poussé le Premier Ministre à exhorter les chefs d’entreprises en début d’année à réaliser des réformes fondamentales pour réduire et réguler non seulement les heures supplémentaires de travail mais aussi à veiller à traiter de manière égale tous les employés.
Une autre publicité dont Dentsu se serait bien passée : son titre de « Most Evil Corporation of the Year » (en français, « la plus mauvaise ou maléfique entreprise de l’année »), donné par le collectif Black Corporation Award. Ce dernier remet ce prix chaque année depuis 5 ans aux « Black Companies » ou « ブラック企業 » (Burakku Kijyô) soit les pires entreprises du Japon, entendons par pires entreprises celles qui ne respectent pas certains critères tels que la limite des heures supplémentaires, pratiquent la discrimination ou encore le harcèlement. Le comité de jury est composé de journalistes ou encore d’activistes et parmi leur liste de nominés pour 2016 pouvant prétendre à ce titre peu élogieux se trouvaient des entreprises comme la chaîne de drogueries Don Quijote, ou encore la compagnie électrique Kansai Electric Power Company Inc. mais aussi le bureau de poste Japan Post Network !
Sources : Les Echos, Asahi Simbun, the Japan Times, Black Company Awards.
Photo : bannière du site officiel du Black Company Awards.