Représentants d’une culture underground tokyoïte, Shohei OTOMO et Hiroyuki KASAI, alias Cutsigh, étaient à Paris pour inaugurer leur première exposition française de « LOOP ». *Nous nous permettons de rappeler à nos lecteurs la loi en France : « L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ».
« LOOP » comme une boucle, pour la traduction en français, tel est le mot au cœur de cette collaboration entre Cutsigh et Shohei OTOMO. 88 sons tournent en boucle, créés par Cutsigh, pressés sur un double vinyle et dont la pochette en 3 volets est illustrée par SHOHEI. Ces deux artistes vous proposent d’être le détenteur d’une œuvre d’art, le vinyle étant en vente durant l’exposition, et le nom de cette collaboration, « LOOP », prend tout son sens alors puisqu’il s’agit d’une œuvre à faire tourner au gré de vos envies et à l’infini, en boucle. Un choix de support pour enregistrer un son peu étonnant de la part de Cutsigh puisque ce dernier avait déjà enregistré son premier album solo, « Pipedreams », en 2011 sur cassette ! Des supports qui semblent dépassés, à l’ère du tout numérique, mais qui pourtant sont prisés des Japonais. Nous connaissions déjà la passion japonaise pour les vinyles, moins celle des cassettes, mais il s’avère que non seulement le Japon vit un boom des cassettes depuis 2011, mais surtout qu’il s’agit d’une passion de l’objet, le fait de le posséder, un peu comme un collectionneur. Mais pour Cutsigh, le choix de la cassette ou du vinyle s’explique surtout par rapport au son, qui pour lui se révèle bien mieux sur ces supports. Si Cutsigh connaissait déjà Shohei OTOMO avant la naissance de ce projet, cette collaboration a pu se concrétiser grâce à l’initiative d’une usine de pressage de vinyles, Toyokasei, qui a proposé à Cutsigh un projet assemblant son et dessin.
Portrait de Cutsigh et Shohei Otomo, communiqué de presse LOOP in Paris.
C’est ainsi que « LOOP » est né, Cutsigh appréciant déjà auparavant les dessins de Shohei OTOMO. Ce dernier est médiatisé depuis quelques années pour ses dessins hyper réalistes. L’artiste va encore plus loin que son illustre père, Katsuhiro OTOMO dans le réalisme du trait, ses illustrations pouvant être confondus pour des photos tant les traits sont précis et fidèles tout en étant provoquant. D’ailleurs, Shohei OTOMO nous explique avoir choisi le stylo à bille pour dessiner tout simplement parce qu’à ses débuts, il y a 20 ans, il n’avait pas les moyens de se procurer de la peinture, indiquant qu’il a évolué en tant qu’artiste loin du regard de son père, en toute indépendance. Autre raison pour laquelle il a gardé cet outil de travail, c’est que contrairement au crayon à papier effaçable au fil des erreurs, le stylo à bille ne s’efface pas, un vrai défi pour l’illustrateur à chaque fois qu’il débute un dessin ! Et c’est ce même trac qui lui permet de faire sortir la noirceur, le mauvais côté de ses personnages. Bien lui en a pris, car si il dessine au gré de ses envies sans forcément chercher à insuffler un message, il tente surtout de représenter la société japonaise et ses contradictions mêlant les aspects traditionnels à la modernité venue d’Occident. Car ce qu’il dessine c’est ce qu’il voit et vit au quotidien à Tôkyô, comme il l’évoque dans un portrait vidéo réalisé par Backwoods Gallery : « Comme nous sommes habitués à l’entendre, le respect et la politesse sont les qualités les plus admirables des Japonais. Mais si on regarde de plus près, on découvre une autre facette. Une facette insidieuse et obstinément imperturbable. » et il aimerait que n’importe quel jeune de Tôkyô puisse se faire le même constat. Alors Cutsigh et Shohei OTOMO sont bien des artistes anticonformistes, cherchant à travers leurs œuvres, accessibles à tous, à réagir contre un système trop lisse.
Les illustrations de Shohei Otomo prennent place à Archive 18-20, peu avant l’inauguration de l’exposition « LOOP ». ©Japan FM 2017
Peu étonnant, quand on sait que Cutsigh était membre d’audio active, un des plus grands groupes de reggae fusion japonais des années 1990, qui revendiquait la légalisation du cannabis (un de leur premiers singles les plus connus était « Free the Marijuana » (1994)), dans un pays très répréhensif concernant toutes drogues et où selon un récent sondage réalisé par Adam Smith Institute et dévoilé sur le Telegraph, seuls 0,3% des Japonais déclarent fumer des joints. Si à l’époque, le but était de faire légaliser cette drogue, aujourd’hui, cet esprit demeure toujours là, en atteste les illustrations de Shohei OTOMO sur « LOOP », mais depuis 2006 Cutsigh se tourne vers une carrière solo, à la guitare ou derrière des platines pour mixer, et est devenu plus généralement antisystème. Ainsi à tous ceux qui idéalisent le Japon, Cutsigh répond qu’actuellement le Japon « ça part en vrille ». Pour des raisons politiques bien sûr, ou encore pour donner un exemple, Cutsigh critique l’industrie musicale japonaise, qui pour lui est trop mainstream. C’est pourquoi il a une vraie volonté de partager au monde la culture underground japonaise, pour montrer que loin de cette culture de masse qui peuple le top Oricon, cette scène underground, cachée, est éclectique. C’est ainsi que leur exposition « LOOP » a été bien reçue par les Japonais, voire même attendue, malgré le tabou que le cannabis représente au Japon.
Nous entendrons certainement parler de Cutsigh et de Shohei OTOMO prochainement car le musicien travaille actuellement sur un deuxième album solo qui devrait sortir l’été prochain, illustré de nouveau par Shohei OTOMO ! Quant à l’illustrateur, il nous annonce qu’il quittera bientôt quitter le stylo à bille pour un nouvel outil de dessin.
L’intégralité de l’interview audio de Shohei OTOMO et de Cutsigh vous sera posté prochainement ici.
Hoodies « LOOP » en série limitée à Archive 18-20 ©Japan FM 2017
Pour la petite information en plus, Shohei OTOMO est de retour en dédicace à Archive 18-20 ce dimanche 5 février entre 17h et 19h ! Et vous trouverez à Archive 18-20, le vinyle « LOOP », des illustrations dédicacées en nombre limité de Shohei OTOMO ou encore des objets en série limitée comme des hoodies « LOOP ».
Informations détaillées de l’évènement dans votre agenda.
Photo : affiche de l’exposition « LOOP », source communiqué de presse.