Début février, l’Asahi Shimbun révélait des conditions de vente troubles d’un terrain à un établissement scolaire considérée comme ultranationaliste. Depuis lors, c’est le Premier ministre japonais et son épouse qui se retrouvent au cœur de la polémique et un sondage révèle ce matin que la côte de popularité de Shinzô ABE a baissé.
Tout a commencé par des révélations du quotidien Asahi Shimbun mettant en cause l’achat d’un terrain en juin 2016 dans le département d’Osaka par Moritomo Gakuen, un opérateur d’établissements scolaires privés, à un prix dérisoire d’1/10ème du prix du marché. Le but de l’opérateur est alors de créer l’école primaire Mizuho no Kuni. Le hic c’est que le terrain appartenant à l’Etat, c’est le ministère des Finances qui s’est chargé de la transaction, mais autre bémol, l’opérateur en question est connu pour offrir un programme d’éducation réputée ultranationaliste en se basant sur le shintoïsme, en atteste leur école maternelle à Osaka. Mais si cette affaire devient si polémique, d’après les faits rapportés dans la presse nipponne, c’est en raison de l’identité de la directrice honoraire de cette nouvelle école, dont l’ouverture était prévue pour ce printemps 2017. Car il s’agit d’Akie ABE, l’épouse du Premier ministre ! Autre lien troublant, ce sont les connexions entre le président de Moritomo Gakuen, Yasunori KAGOIKE, et Shinzô ABE, tous deux affiliés au lobby ultranationaliste japonais, Nippon Kaigi. En conséquence, Shinzô ABE a dû répondre aux questions du Parlement, devant lequel le Premier ministre a nié avoir un quelconque rôle, promettant de démissionner si une quelconque implication de sa part ou celle de son épouse était avérée. Quant à la Première dame, elle s’est désengagée depuis en renonçant à être la directrice honoraire de cette nouvelle école. Mais le mal est fait, l’opposition avait estimé en effet que parce que la Première dame était liée à ce projet, cela aurait eu une influence sur les conditions de transaction du ministère des Finances. D’autant que le ministère a bien du mal à convaincre l’opinion publique et l’opposition du rabais de 86% sur le prix de ce terrain, qu’il justifie par la présence d’importants déchets industriels dont le coût de nettoyage était pris en charge par le vendeur, soit l’Etat. Finalement Moritomo Gakuen a fait marche arrière et annule l’ouverture de l’école primaire Mizuho no Kuni en raison de la découverte des différentes déclarations faites, aux montants divergents, auprès des autorités concernées qui demandent alors à examiner de nouveau le dossier, ajoutant encore plus de suspicion dans cette affaire. Sur ce dernier point, certes, ni le Premier ministre et son épouse, ni le ministère des Finances ne semblent être en cause, et dans toute cette affaire, rien ne prouverait une quelconque opération illégale, mais trop tard, la polémique est là. En effet, le quotidien Mainichi Shimbun a réalisé un sondage le week-end passé démontrant que ce scandale, et surtout les doutes autour de la transaction du terrain, a terni la côte de popularité du Premier ministre. Ce sondage, auquel 1 012 individus en âge de voter ont répondu, indique que 75% d’entre eux n’étaient pas convaincus par les explications du Premier ministre et de son gouvernement, mais il indique aussi une baisse 5 points de la confiance des votants pour Shinzô ABE avec 50% d’avis favorables.
Certes, rien d’inquiétant pour le Premier ministre qui garde la confiance de ses électeurs en majorité, d’autant que ce n’est pas la première fois qu’il se trouve au cœur d’une polémique, –rappelons qu’il avait démissionné en 2007 fragilisé notamment par des scandales politico-financiers et que depuis son retour au pouvoir fin 2012 plusieurs ministres ont dû démissionner pour les mêmes raisons. Chaque fois, sa côte de popularité avait chuté pour finalement mieux rebondir par la suite. Avec un enjeu important cette fois puisque le Parti Libéral Démocrate a voté en début de semaine dernière en faveur d’un changement de règle permettant au président du parti d’être à sa tête pour 9 ans au lieu des 6 ans en vigueur jusqu’alors, et ouvrant donc la voie à Shinzô ABE pour briguer un troisième mandat si les prochaines élections, les législatives en décembre 2018, sont favorables au PLD. Si tel est le cas, il deviendrait alors le premier chef de gouvernement à rester aussi longtemps au pouvoir depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le Premier ministre du Japon sera en Europe du 29 avril au 7 mai afin de renforcer les liens avec l’Union Européenne. D’après Le Monde, il sera en France le 5 mai pour s’entretenir avec le Président de la République Française avant un sommet U.E-Japon qui se tiendra le 7 mai à Bruxelles.
[erratum: le Premier ministre est en Europe depuis ce dimanche 19 mars, il était par ailleurs en France ce 20 mars, et ce, durant quelques jours, et non de fin avril à mail -période de sa visite en 2014- comme écrit précédemment. La rédaction s’excuse de cette erreur.]
Sources : Mainichi Shimbun, Asahi Shimbun, the Japan Times.
Photo : Le Premier ministre japonais lors de sa venue en France le 2 mai 2016 avec le Président de la République Française ©Présidence de la République/F.Lafite