Les « oublis » de Tomomi INADA donnent du grain à moudre à l’opposition

La ministre de la Défense est également touchée par la polémique autour de l’école Moritomo Gakuen, mais elle est surtout vivement critiquée pour ses omissions concernant les Forces d’Autodéfense japonaises. L’opposition appelle à sa démission ce qu’elle refuse fermement

La ministre de la Défense aurait-elle des troubles de la mémoire ? C’est ce qu’ont du se demander les partis d’opposition lorsqu’elle a fait volte-face au lendemain d’une déclaration devant la Chambre Haute devant laquelle la ministre de la Défense avait affirmé n’avoir jamais été mêlée à une quelconque affaire avec les établissements Moritomo Gakuen, actuellement sous le feu des projecteurs, suite à une révélation par la presse qui disait le contraire. En effet, elle est revenue sur cette affirmation ce lundi 14 mars devant la Chambre Basse cette fois, expliquant que finalement elle avait bien représenté l’établissement et son président Yasunori KAGOIKE en tant qu’avocate en 2004. Elle a alors justifié une erreur de déclaration par une perte de mémoire, estimant avoir été interrogée par surprise la veille, raison pour laquelle elle a répondu sur le coup en se basant uniquement sur ses souvenirs en invoquant une affaire ancienne de 12 ans et s’excusant alors de cette omission. D’après les déclarations de Yoshihide SUGA, secrétaire général du cabinet du Premier ministre, qui ont suivi le rectificatif de Tomomi INADA, la ministre se serait expliquée devant le Premier ministre, déclarant la même chose que face à la Chambre Basse, ce à quoi Shinzô ABE a estimé alors qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle Tomomi INADA devrait démissionner. Mais cela semble insuffisant pour les partis d’opposition, qui ont annoncé vouloir faire en sorte qu’elle démissionne pour avoir fait menti au Parlement. La ministre quant à elle a fait part de son refus ferme de démissionner pour cette affaire, et ce n’est pas la première fois que l’opposition réclame sa démission.

Il faut comprendre aussi qu’une autre affaire très importante est reprochée à la ministre de la Défense, et ce depuis peu de temps également. Début février, le ministère de la Défense dévoile les rapports des Forces japonaises d’Autodéfense concernant leur mission au Soudan du Sud, notamment lors des violences qui ont éclaté en juillet 2016 dans la capitale. Les Forces japonaises d’Autodéfense (F.J.A) sont présentes sur ce territoire depuis 2012 dans le cadre d’opérations de maintien de la paix avec l’O.N.U., et en grande partie pour des missions d’aide  à la construction d’infrastructures (notes : le Soudan du Sud existe en tant qu’état depuis 2011 et est  en guerre civile depuis 2013). Or depuis l’adoption de nouvelles lois sécuritaires en 2015, le Japon autorise depuis novembre 2016 ses Forces d’Autodéfense à l’étranger à utiliser leurs armes pour défendre et secourir  les ressortissants japonais, mais aussi des individus travaillant pour  l’O.N.U ou des O.N.G., ainsi que de venir en aide à des troupes alliées présentes pour le maintien de la paix, et enfin à se défendre en cas d’attaque à leur encontre. Le souci, c’est que la ministre de la Défense a affirmé en septembre 2016 que les rapports d’activités du F.J.A. avaient été supprimés, notamment ceux concernant le conflit du Soudan du Sud. Or lorsqu’ils ont été rendus publics, il semble qu’ont été découverts des termes se référant au conflit comme « de violentes fusillades » ou « virulents combats » . Sauf que lorsque la ministre s’est expliquée devant la Diète à la mi-février au sujet de la divulgation de ces documents, elle n’aurait pas utilisé le terme de « combat » mais de « clash », plus nuancé, ce que lui reproche l’opposition, qui accuse alors la ministre de cacher la vérité en minimisant la réalité du conflit sud-soudanais. Celle-ci s’est alors défendue en justifiant l’emploi de ce vocabulaire afin d’éviter un quelconque conflit par rapport à l’article 9. En effet, on le rappelle, le Japon est  soumis à l’interdiction de belligérance, en somme les soldats ne peuvent en aucun cas engager un combat et en aucun cas ne peuvent intervenir dans un conflit, en raison de l’article 9 de la Constitution. Pourtant, le Soudan du Sud a été le théâtre d’une recrudescence des violences en juillet 2016 qui a causé la mort de plus de 270 personnes, obligeant l’évacuation des civils et diplomates japonais. Or le conflit sud-soudanais est une guerre civile et ethnique opposant les partisans du Président en place, les Dinka  aux « rebelles » les Nuer, et donc en principe les F.J.A. comme les Casques Bleus sont supposés se retirer dès lors qu’ils se retrouvent dans un tel conflit. Par conséquent, l’opposition politique estime que non seulement le gouvernement aurait dû mettre fin à la mission des F.J.A. dès juillet en ordonnant leur rapatriement mais elle estime aussi que Tomomi INADA n’a pas les compétences requises pour être à son poste réclamant alors sa démission. D’autant que le conflit a éclaté en juillet 2016, soit bien avant que le gouvernement n’étende les missions de ses F.J.A., ajoutant encore plus de flou dans cette affaire. Les derniers rebondissements autour du scandale Moritomo Gakuen et les omissions récurrentes de la ministre renforcent encore plus les critiques de l’opposition considérant que les déclarations changeantes de la ministre démontrent bien l’absence de crédibilité de celle-ci.

Tomomi INADA a été nommée ministre de la Défense en août 2016. Ancienne avocate avant d’entrer en politique, elle est réputée pour ses positions très conservatrices, ses liens avec le lobby ultranationaliste Nippon Kaigi, et pour abonder dans le sens du Premier ministre et de son désir de voir l’article 9 de la Constitution révisé. Tomomi INADA est également considérée comme une des favorites de Shinzô ABE et serait même pressentie comme la successeur potentielle de ce dernier. Le Premier ministre, quant à lui, a subitement annoncé la semaine passée le retrait des Forces japonaises d’Autodéfense du Soudan du Sud après 5 ans de mission, programmé pour le mois de mai, considérant que leur présence n’était dorénavant plus nécessaire. Et pourtant la situation ne s’est pas améliorée là-bas, bien au contraire le conflit est décrit comme pire qu’en juillet, suscitant l’interrogation au Japon quant à la décision de rapatrier les 350 soldats maintenant que le cadre de leurs missions a été étendu.

 

Sources : the Japan Times, Asahi Simbun, Mainichi Shimbun, Le Monde, Voice of America Afrique.

Photo : La ministre de la Défense du Japon Tomomi Inada inspecte la garde d’honneur le premier jour de sa prise de poste, le 4 août 2016. ©AP – source Asahi Shimbun.

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