Après plusieurs années de suspension, en raison du refus de la population locale, le gouvernement a fait débuter la construction de la nouvelle base militaire américaine à Henoko. Le gouvernement rejette ainsi l’opposition locale et en dépit des préoccupations environnementales.
Si après la Seconde guerre mondiale et jusqu’en 1972, l’île d’Okinawa était sous la tutelle des Etats-Unis, les bases militaires américaines, elles, sont restées sur place. Il y a 21 ans, en 1996, les Etats-Unis avaient accepté de fermer leur base militaire aérienne de Futenma située à Ginowan, sur l’île principale d’Okinawa, en vue de la déménager plus au nord de l’ile, moins habitée et où se trouve une base déjà existante dans le quartier d’Henoko à Nago, au camp Schwab, et ainsi rendre les terres de Futenma au Japon. Sauf que ce déménagement est très contesté chez les habitants de l’île pour plusieurs raisons.
Tout d’abord les habitants réclament le départ de ces bases militaires depuis des dizaines d’années, car plus de 70% des installations militaires américaines se trouvent rien que dans tout le département d’Okinawa. Et selon un dernier sondage effectué mi-avril par Asahi Shimbun, plus de 60% de la population locale continue à rejeter le déménagement de la base, contrastant nettement avec l’avis des Japonais en général, rejettent seulement à 34% ce projet. Un rejet local qui s’explique notamment par les nombreux accidents liés à l’emplacement actuel considéré comme dangereux pour les habitants de la base de Futenma, plusieurs crashs aériens ont eu lieu, mais aussi de l’implication de plusieurs marines dans plusieurs affaires criminelles renforçant cette opposition, -et c’est d’ailleurs le viol d’une fillette en 1995 par 3 soldats qui motivera la décision du transfert de la base militaire. D’un autre côté, la bataille semblait remportée lorsque les habitants du département d’Okinawa élisent comme gouverneur en 2014 Takeshi ONAGA, un candidat fermement opposé à la construction d’une nouvelle base. Il s’était alors démarqué en 2015 pour avoir tenu tête au gouvernement qui souhaite à tout prix maintenir le déménagement de la base américaine. Le gouverneur avait alors décrété une révocation de la décision de son prédécesseur approuvant le projet, d’autant que si Futenma déménage à Henoko, il s’agira alors de la plus importante base construite depuis 1972 et donc ne semble en rien une diminution de la présence militaire américaine à Okinawa , telle que voulue par ses habitants. Cependant, cette tentative de résistance a été un échec puisque l’affaire a été portée devant la Justice, opposant le gouverneur au gouvernement qui a gagné.
Deuxième raison pour laquelle la population locale est majoritairement contre le déménagement et donc la construction d’un nouveau site pour ce faire, c’est pour des raisons écologiques. Déménager la base de Futenma à Henoko, en agrandissant ainsi le camp Schwab existant, signifie démolir des plages d’Okinawa et détruire le récif corallien pour créer du terrain sur l’eau. De plus, les eaux d’Okinawa abritent une espèce en voie de disparition, -et qu’un temps on croyait disparu au Japon : le dugong. Une espèce considérée protégée au Japon comme aux Etats-Unis, et après avoir découvert qu’il restait encore des dugongs à Okinawa, cela a donné un argument supplémentaire au gouverneur, et aux opposants au déménagement de la base de Futenma, invoquant alors la protection environnementale pour empêcher les travaux. Mais l’archipel d’Okinawa est un emplacement stratégique pour le principal allié du Japon, et ce dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale, pour renforcer la place des Etats-Unis dans la région de l’Asie Pacifique. Or l’action du gouvernement, en débutant les constructions en dépit des locaux, s’explique par le contexte diplomatique actuel dans la région et les incertitudes que celles-ci engendrent. Les Etats-Unis étant le principal allié du Japon, sans changement d’attitude de la Corée du Nord, ce déménagement serait-il devenu une priorité ? Sur un plan diplomatique mais aussi de défense, il semble très difficile pour le gouvernement de refuser le déménagement de la base américaine, alors même que le Japon ne peut dépendre que de son allié si la situation devait se dégrader.
La construction du nouveau site de la base U.S. a démarré et les travaux devraient être achevés d’ici cinq ans. Si les signes annonçant la construction étaient là dès le début de mois, le gouvernement avait commencé à préparer le terrain, c’est aujourd’hui que sont mis en place des sacs de sable pour créer une digue, signant un retour en arrière impossible. Le gouverneur d’Okinawa menace quant à lui d’annuler tout simplement le décret de son prédécesseur mettant alors fin à l’autorisation de construire la base dans son département. Ce à quoi le gouvernement répond que là où les constructeurs creusent ne requiert pas l’autorisation d’Okinawa. Yoshihide SUGA, secrétaire général du Cabinet a aujourd’hui déclaré à l’attention des habitants d’Okinawa que ce déménagement est la seule solution, précisant qu’alors il y aurait une réduction du nombre de militaires américains indiquant qu’1/3 d’entre eux devront être transférés à Guam suite au déménagement.
Sources : The Japan Times, Mainichi Shimbun, Asahi Shimbun, NHK World.
Photo : vue aérienne du quartier d’Henoko dans la ville de Nago, préfecture d’Okinawa. ©KYODO source : The Japan Times.