Le Premier ministre, au cœur des polémiques actuellement, a dû répondre aux questions des parlementaires des deux Chambres et s’excuser. Mais ses explications semblent peiner à convaincre d’autant que sa côte de popularité continue de baisser.
L’étau semble se resserrer autour du Premier ministre Shinzô ABE. Rien qu’en ce qui le concerne, depuis le début de l’année, le Premier ministre est accablé par deux scandales. Celui de Moritomo Gakuen, une école nationaliste qui aurait bénéficié d’une vente illégale et dont la directrice honoraire aurait dû être Akie ABE, soit la Première dame. Puis celui de Kake Gakuen, pour soupçon de favoritisme envers la fondation Kake, dirigé par un des proches amis du Premier ministre, Kotaro KAKE (point n°3). Dans cette affaire, le Premier ministre aurait validé, voire fait pression pour ce faire, le projet d’ouverture d’une école vétérinaire sans attendre l’accord de la commission concernée. C’est d’ailleurs sur ce dernier sujet que le Premier ministre japonais a dû répondre aux questions des parlementaires à la Diète en ce début de semaine. Il a alors nié tout soupçon de favoritisme puis a déclaré : « il est vrai qu’il y a eu des confusions dans mes réponses. Permettez-moi de m’excuser et de les corriger. », évoquant donc ses premières déclarations à la Diète en juin, et précisant que : « j’ai appris que la ville d’Imabari avait proposé un plan pour ouvrir une école vétérinaire au cours de discussions au Conseil sur les zones spéciales stratégiques nationales, que je préside, en novembre il y a deux ans. Mais je n’étais pas au courant du projet de la Fondation Kake ni alors ni durant le processus qui a suivi car la ville d’Imabari n’avait pas indiqué qui opèrerait cette nouvelle école vétérinaire. ». Peu suffisant pour l’opposante Renhô, chef du Parti Démocrate. En effet, les différents propos du Premier ministre sont contradictoires. S’il affirme ce jour face à la Diète qu’il n’était pas au courant que la fondation Kake avait déposé une demande pour l’ouverture d’une école vétérinaire à Imabari, en juin dernier lors d’une première session de questions-réponses, Shinzô ABE avait alors affirmé l’exact contraire. Une contradiction que le Premier ministre justifie en expliquant qu’il avait confondu dans ses réponses la fondation Kake avec la ville d’Imabari, soit que ce qu’il voulait dire alors était qu’il savait que la ville d’Imabari projetait l’ouverture d’une école vétérinaire.
Le Premier ministre doit-il convaincre davantage ? La veille de ses explications face à la Diète, un nouveau sondage publié par le Mainichi Shimbun indiquait que seuls 26% de la population étaient toujours en faveur de Shinzô ABE tandis que 62% souhaitent qu’il ne se présente pas de nouveau à la tête du parti –et donc poursuivre un troisième mandat dans le cas où le PLD remporterait les élections. Une côte de popularité qui ne cesse de chuter alors que l’un des objectifs prioritaires du Premier ministre est de modifier la Constitution d’ici 2020, espérant pour ce faire gagner un 3ème mandat de Premier ministre. Un projet que Shinzô ABE a à cœur au point de délivrer une interview au Mainichi Shimbun (en anglais) en début de mois dans lequel il réaffirme son souhait de modifier la Constitution, précisant qu’il proposera un amendement dès cet automne afin que les Forces Japonaises d’Autodéfense soient reconnues sans pour autant toucher au paragraphe de l’article 9 concernant la renonciation à la guerre. Mais c’est un objectif mis en péril au vu des récents scandales, d’autant qu’une autre polémique mine Shinzô ABE. Et celle-ci concerne Tomomi INADA, Ministre de la Défense controversée et protégée du Premier ministre. La Ministre se trouve elle aussi au cœur des scandales pour avoir omis de divulguer ses liens avec Moritomo Gakuen, et pour avoir caché des rapports d’activité des Forces Japonaises d’Autodéfense au Soudan du Sud. Autre fait polémique : Tomomi INADA prenait position avant les élections de Tôkyô en faveur d’un candidat du Parti Libéral Démocrate en se servant de sa position de Ministre, et parlant au nom des Forces Japonaises d’Autodéfense pour défendre un parti politique, fait illégal. Pour autant, le Premier ministre semble ne pas vouloir se séparer de Tomomi INADA en dépit de nombreuses demandes de démission par l’opposition. Devra-t-il sacrifier sa protégée lors du prochain remaniement ? Réponse début août. Pire encore, alors que l’aura de Shinzô ABE avait déjà pris un sacré coup avec les dernières élections à Tôkyô (point n°2), cette fois, c’est une autre grande ville d’importance que le PLD a perdu ce dimanche : Sendai dans le département de Miyagi. La candidate du Parti Démocrate Kazuko KORI a remporté ces élections municipales face à Hironori SUGAWARA, qui avait le soutien du Premier ministre.
Preuve qu’il y a un réel désaveu envers Shinzô ABE ou est-ce une mise en garde de la population ? Rappelons que lors du premier mandat de Shinzô ABE, c’était en 2007, il avait dû démissionner un après son arrivée au pouvoir en raison d’un grand nombre de scandales politico-financiers et de l’échec cuisant du PLD aux élections de la Chambre haute. Néanmoins, il reste encore du temps à Shinzô ABE pour se blanchir de ces accusations et pour redorer son blason, les prochaines grandes élections, celle de la Chambre basse, étant prévues en 2018.
Sources : The Japan Times, Asahi Shimbun, Mainichi Shimbun.
Photo : Le Premier ministre Shinzô Abe répondant aux questions de Renhô, au premier plan à l’extrême droite de la photo, à la Diète ce 25 juillet. Via Asahi Shimbun ©Takeshi Iwashita