Au lendemain de nouvelles sanctions votées par l’ONU, la Corée du Nord a encore joué la carte de la provocation en envoyant un nouveau missile au-dessus du Japon. Ce dimanche, le Premier ministre japonais a déclaré envisager des élections législatives anticipées.
« Je prendrais une décision à mon retour », c’est ce qu’a dit le Premier ministre japonais aux journalistes avant de s’envoler vers New York, où le chef du gouvernement japonais doit rejoindre une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l’ONU prévue ce jeudi 21 septembre concernant la Corée du Nord. En effet, suite au nouveau tir de missile effectué par la Corée du Nord le vendredi 15 septembre à l’aube et qui a survolé de nouveau le Japon avant d’atterrir dans l’Océan Pacifique, le Conseil de sécurité de l’ONU avait « condamné fermement » cette nouvelle action de Pyongyang. Le Conseil de sécurité avait pourtant voté en faveur de nouvelle sanctions, afin de tenter de contraindre le leader nord-coréen de poursuivre son objectif, suite à l’essai nucléaire réalisé par Pyongyang en début de mois. Au contraire, les provocations de la Corée du Nord semblent aller crescendo, et son dirigeant déclarait même au lendemain du dernier tir de missile qu’il était proche de détenir l’arme nucléaire. Est-ce pour ces raisons que Shinzô ABE a fait savoir qu’il envisageait de dissoudre la Chambre basse pour provoquer des élections législatives anticipées ? Ces dernières sont supposées se tenir en décembre 2018, et se préparant vers un troisième mandat, le chef du Parti Libéral Démocrate avait fait en sorte que le parti lui accorde un mandat supplémentaire, qui, en cas de victoire du parti aux élections législatives, ouvrirait la voie à Shinzô ABE pour rester Premier ministre. Qui plus est, ses abenomics n’ont pas vraiment convaincu, le Fonds Monétaire International estimant que si l’économie japonaise s’améliorait, les réformes faites jusqu’ici n’étaient pas suffisantes, puisque la déflation n’étant toujours pas enrayée. Des élections anticipées permettraient donc également au Premier ministre d’aller encore plus loin dans ses réformes économiques, comme constitutionnelles.
Or, Shinzô ABE n’a jamais caché sa volonté de modifier la Constitution du pays, afin de permettre aux Forces d’Autodéfense japonaises de se déployer non plus seulement en termes de forces défensives, mais d’obtenir une reconnaissance constitutionnelle en tant qu’armée offensive, et ce au détriment de l’article 9. Par ailleurs, n’avait-il pas appelé à renforcer la défense début septembre? Une manière alors d’afficher une certaine émancipation au regard de l’alliance particulière qui lie le Japon aux Etats-Unis, liés par le Traité de coopération mutuelle et de sécurité et actuellement le meilleur moyen de défense du Japon. Une volonté qui a été manifestée clairement en mai 2017 lors d’un discours officiel dans lequel il indiquait viser 2020 pour cet objectif, et plus récemment lors d’une interview pour le Mainichi Shimbun dans lequel il mentionnait viser l’automne pour ce faire. Si jusqu’alors la population semblait divisée sur cette question (sur un sondage effectué par NHK début mai, 57% des interrogés souhaitaient que la Constitution reste intacte, tandis qu’un sondage de l’Asahi Shimbun indiquait que 47% des sondés s’opposaient à une révision), cet été, l’opinion des Japonais sondés indiquaient une chute considérable de la confiance globale envers leur Premier ministre, qui tombait alors à 26% d’opinion favorable, 62% des sondés ne souhaitant alors pas que Shinzô ABE se représente pour un nouveau mandat. Une impopularité qui était causée par les différents scandales politico-financiers dans lesquelles le Premier ministre et son entourage sont impliqués. En parallèle, le PLD subissait un sérieux revers en perdant les élections de deux villes majeures pour le parti : Tôkyô, remportée par le parti de la gouverneure Yuriko KOIKE, et Sendai quelques temps plus tard. Mais dans le même temps, l’opposition politique demeure inexistante, surtout depuis la démission de la Présidente du Parti Démocrate, et depuis, Shinzô ABE a remanié son gouvernement, éloignant ceux qui provoquaient le plus de polémiques, à l’image de l’une de ses protégées, Tomomi INADA. Puis les différents tirs de missiles réalisés par la Corée du Nord depuis juillet et les provocations verbales de son leader semblent donner des arguments suffisants au Premier ministre pour jouer sur la peur de la population, profitant au passage de l’absence d’opposition mais aussi d’une côte de popularité revenue à la hausse.
Une annonce qui a déjà été critiquée par des opposants, ces derniers accusant Shinzô ABE de non seulement surfer justement sur une opposition à l’état chaotique, d’utiliser la menace nord-coréenne et d’en profiter pour sécuriser sa réélection, mais surtout d’éviter tous les sujets liés aux scandales qui le touchent ! Le Premier ministre Shinzô ABE prendra une décision concernant la tenue d’élections anticipées à son retour de New York, le 22 septembre. Selon la presse nipponne, si des élections anticipées sont décidées, le Premier ministre dissoudrait la Chambre basse le 28 septembre pour organiser les élections à compter du 22 octobre.
Sources : Le Monde, Mainichi Shimbun, Asahi Simbun, L’Express.
Photo : Le Premier ministre japonais lors de la conférence de presse du 15 septembre suite au tir de missile qui a survolé le pays, via Japan Kantei.