Le Premier ministre japonais a accordé une interview pour le quotidien The Japan Times, dans laquelle il réaffirme sa volonté de la révision qu’il souhaite apporter à la Constitution. Une façon de convaincre les Japonais ?
Cela fait des décennies que le sujet de la révision de la Constitution du Japon, et plus particulièrement de son article 9, est sujet à débat, intensifiées par les déclarations ces dernières années du chef du gouvernement actuel qui en a fait un objectif. Le Premier ministre évoquait d’ailleurs lors du 70ème anniversaire de la Constitution japonaise sa volonté d’une révision de cette dernière d’ici 2020. D’autant que le Premier ministre détient la majorité tant à la Chambre basse qu’à la Chambre haute, et avec un renouvellement de la confiance de son parti lui permettant un 3ème mandat de Premier ministre, Shinzô ABE est proche de son but. Or s’il veut modifier la Constitution, c’est ce que son discours du 3 mai 2017 révélait, c’est en raison des Forces Japonaises d’Autodéfense, afin de leur donner une légitimité, leur existence étant perçue comme contraire à l’article pacifiste de la Constitution. Or, depuis que Shinzô ABE a fait savoir qu’il comptait faire de la modification de cet article une de ses priorités, nombreux sont les sondages attestant que la population japonaise demeurait majoritairement opposés à une révision. Du moins, les Japonais semblaient contre ce projet il y a quelques années, avant que la Corée du Nord n’accélère ses gestes de provocation. Car d’après les derniers sondages réalisés par les principaux titres de quotidiens japonais, les Japonais paraissent mitigés quant à une révision ou non de leur Constitution. Mais en regardant de plus près les sondages réalisés chaque année depuis les années 1980 par ces quotidiens, il s’avère qu’il est difficile d’affirmer si oui ou non les Japonais souhaitent un changement. Ainsi, en 2015, Kyodo News indiquait que 60% de la population était opposée à cette révision, tandis que 32% y était favorable. Un dernier sondage, toujours par la même agence de presse japonaise, dévoilé à la mi-janvier, indique un léger changement puisque 54, 8% d’entre eux sont opposés à une révision tandis que 33% la soutiennent. Le problème c’est qu’au regard des différents sondages réalisés dans le temps auprès de la population, il apparaît surtout que ces pourcentages fluctuent constamment sans qu’une réponse claire n’en ressorte signe que les Japonais demeurent hésitants et divisés sur cette question. Dans le même temps, constatons que ces dernières années, les Japonais qui ont été voter ont majoritairement soutenu le parti de Shinzô ABE, excepté lors d’élections locales. Pourtant, le Premier ministre aurait pu se retrouver dans une situation inconfortable, tant les différents scandales médiatisés en 2017 avaient fait plonger sa côte de popularité aux yeux des Japonais ! Malgré ces tempêtes, et après l’annonce surprise des élections anticipées de la Chambre basse en septembre 2017, Shinzô ABE est au contraire parvenu à consolider son pouvoir, obtenant bien plus de sièges qu’il n’avait espéré. Ainsi, aujourd’hui, le Premier ministre peut enfin mettre en marche son projet de révision de la Constitution. C’est ce qui va être sujet à débat prochainement à la Diète. Et si la population demeure hésitante sur le sujet, le Premier ministre semble chercher à la convaincre en accordant une interview exclusive pour The Japan Times dans laquelle il explique de nouveau sa démarche. Celle qui consiste à ajouter un paragraphe à l’article 9 afin d’inscrire constitutionnellement l’existence des Forces japonaises d’autodéfense et mettre ainsi fin à toutes polémiques accusant notamment les Forces japonaises d’autodéfenses de violer l’article 9 de la Constitution de par leur simple présence. Mais il tente aussi de calmer ceux qui l’accusent de vouloir mettre fin à un Japon pacifiste en précisant que non seulement les Forces d’autodéfense mettaient leurs vies en jeu en secourant la population lors de catastrophes naturelles par exemple, alors que dans le même temps leur existence même est critiquée car jugée anticonstitutionnelle, mais il ajoute aussi que son projet de modifier l’article 9 « ne changerait en rien » l’identité du Japon d’après-guerre, soit un pays pacifiste. Toutefois, il existe des dissensions au sein même du parti au pouvoir. En effet, le Premier ministre a affirmé qu’il n’envisageait plus, contrairement à 2012, de supprimer le texte de l’article 9 concernant la renonciation à la guerre (« Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. »), alors que de nombreux membres du Parti Libéral Démocrate plaident pour la suppression simple de cette partie du texte considérée comme une humiliation après-guerre.
Pour qu’il y ait un moindre changement dans la Constitution, il doit y avoir au moins les 2/3 de la Diète, Chambre haute et basse, devant voter en faveur du texte qui sera proposé. Les 2/3 de la Diète étant du parti au pouvoir ou allié à celui-ci, cet amendement devrait être approuvé. Mais si tel est le cas, ce sera la population japonaise qui aura le dernier mot puisque devra suivre un référendum. Si le Premier ministre ne parvient pas à convaincre la population de modifier l’article 9 de la Constitution du Japon, ce serait un désastre politique pour lui selon The Japan Times, et Shinzô ABE serait alors probablement obligé de démissionner.
Sources : The Japan Times, Mainichi Simbun, Public Sénat.
Photo : Le Premier ministre lors du discours politique adressé durant la 196ème session de la Diète via ©japan.kantei.go.jp