Il est un habitué du Festival de Cannes mais cette fois, enfin, le festival lui a attribué la plus prestigieuse de ses récompenses : la Palme d’or. Cela fait sept fois qu’un film de Hirokazu KORE-EDA est présenté au festival, dont cinq fois en compétition pour la récompense suprême. La première fois c’était en 2001 pour le film « Distance », puis il est revenu en France pour présenter « Nobody Knows » en 2004, « Tel père, tel fils » en 2013 et « Notre petite sœur » en 2015. Hirokazu KORE-EDA était également venu fouler les marches du Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard avec « Air Doll » en 2009 puis avec « Après la tempête » en 2016. Parmi tous ces films sélectionnés en compétition, seul un de ses films avait été récompensé lorsque le festival attribue à Yûya YAGIRA le Prix d’interprétation masculine pour son rôle dans « Nobody Knows » puis c’est quelques années plus tard que le réalisateur s’impose en récoltant le Prix du Jury ainsi que le Prix du jury œcuménique avec Mention Spéciale pour « Tel père, tel fils ».
Pour ce 71ème Festival de Cannes, Hirokazu KORE-EDA était en compétition avec un autre réalisateur japonais qui vient de se faire connaitre en France. Ryûsuke HAMAGUCHI était lui aussi sélectionné à Cannes avec son dernier film « Asako I & II » mais est reparti bredouille. Hirokazu KORE-EDA est le 4ème Japonais à recevoir la plus haute distinction de ce festival et le 3ème à recevoir la Palme d’or, après le Grand Prix de Teinosuke KINUGASA pour « La Porte de l’enfer » en 1954 (soit la plus haute distinction l’année précédant la création de la Palme d’or). Hirokazu KORE-EDA succède alors à Akira KUROSAWA récompensé pour « Kagemusha, l’ombre du guerrier » en 1980 et à Shôhei IMAMURA qui l’obtint deux fois, la première fois pour « La ballade de Narayama » en 1983 puis pour « L’Anguille » en 1997 ! Alors que nous allons célébrer cette année 160 ans d’amitié entre la France et le Japon, cette Palme d’or tombe donc à point nommé. Du moins c’est ce qu’on pourrait penser surtout que cela faisait 21 ans que la Palme d’or n’avait pas été attribuée à un réalisateur japonais mais il semble que le gouvernement japonais ne voit pas les choses de la même manière.
Affiche du film « Une affaire de famille » de Hirokazu Kore-Eda via Le Pacte.
« Une affaire de famille » (« 万引き家族 » ou « Manbiki kazoku » pour le titre original), comme la plupart des films de Hirokazu KORE-EDA, s’attache à raconter des problèmes de société en s’inspirant de la réalité et est une critique de la société japonaise.
Résumé officiel : Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu’elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…
Cette fois le réalisateur dénonce un acharnement envers les plus démunis en s’attaquant à la fraude à l’assurance-retraite, expliquant dans le dossier de presse du film qu’« il est légitime de vilipender les auteurs de tels actes, mais je me demande pourquoi on se met en colère pour des délits aussi insignifiants alors qu’il y a des milliers de criminels qui commettent des actes beaucoup plus graves en toute impunité. ». Hirokazu KORE-EDA y explore également les liens au sein d’une famille alternative et dysfonctionnelle. Selon les propos recueillis par la presse lors du festival, le réalisateur aurait indiqué que « le film était probablement le film le plus socialement conscient à ce jour » tout en espérant « que nous pourrions faire un monde meilleur ». Si la journaliste Karyn NISHIMURA-POUPEE affirme dans Le Point que cette Palme d’or embarrasse le gouvernement japonais, c’est parce que contrairement à toute situation identique, celui-ci n’a pas adressé de message de félicitations au lauréat, seul l’Ambassadeur du Japon en France l’ayant félicité publiquement sur les réseaux sociaux ! De plus, la journaliste rappelle que le réalisateur a souvent critiqué par le passé la politique du gouvernement japonais, notamment celui du Premier ministre actuel Shinzô ABE, n’hésitant pas à déclarer récemment à la presse sud-coréenne : « Au lieu d’aider les pauvres, le gouvernement en fait des perdants, et la pauvreté est traitée comme un problème relevant de la responsabilité personnelle ». Mais, cela ne découragera pas le réalisateur qui a déclaré à l’Asahi Shimbun après avoir reçu son prix : « Cela me donne assez d’encouragement pour continuer à faire des films pour encore environ 20 ans ».
Aucune date de sortie en France n’a encore été annoncée mais « Une affaire de famille » ayant été sacré à Cannes, le film ne devrait pas tarder à sortir en salles. En attendant, vous pouvez patienter avec un autre film du réalisateur, « The Third Murder » sur le procès d’un présumé coupable de vol et de meurtre risquant la peine de mort, actuellement en salles. Ou attendre son prochain film dans lequel figureront des actrices françaises ! Peu avant la tenue du festival, il avait été annoncé que dans le casting de son prochain film se trouvent les noms des actrices Juliette BINOCHE et Catherine DENEUVE !
Sources : Festival de Cannes, The Japan Times, Asahi Shimbun, dossier de presse « Une affaire de famille », Le Point.
Photo : Hirokazu Kore-Eda reçoit la Palme d’or ce samedi 19 mai 2018 des mains de la Présidente du jury Cate Blanchett. Capture écran Canal + via @japanfm