L’art brut japonais de retour à la Halle Saint Pierre

Huit ans après la première exposition qui a eu un succès retentissant, et dans le cadre de Japonismes 2018 et du Tandem Paris-Tôkyô, la Halle Saint Pierre présente l’exposition « Art Brut Japonais II » à découvrir jusqu’au 10 mars 2018.

Une brève histoire de l’art brut

Avant d’évoquer l’exposition « Art Brut Japonais II », revenons durant quelques lignes sur ce qu’est l’art brut ! Art contemporain dont la théorie a été formulée en 1945 par l’artiste français Jean DUBUFFET, l’art brut est un mouvement artistique à part dans l’histoire de l’art. Appelé également art des fous ou art marginal, il se distingue de tout autre mouvement artistique car c’est justement un art qui s’affranchit de toutes règles artistique et esthétique. Lorsque l’artiste français Jean DUBUFFET définit l’art brut, il oppose l’art des élites, académique à la création spontanée, instinctive. Son créateur n’est alors pas forcément un « artiste » au sens où il serait issu d’un milieu artistique voire autodidacte. Ainsi, si l’art brut est surnommé art des fous c’est que grand nombre de ses créateurs sont des marginaux de la société allant du malade interné en psychiatrie à l’autiste. L’art brut constitue alors un nouveau langage. Et si, initialement, l’art brut est en opposition aux arts qui l’ont précédé, il est mondialement reconnu désormais et depuis 1986, un bâtiment parisien est dédié à cet art brut, et plus globalement à l’art hors norme, la Halle Saint Pierre. En 2010, une exposition sur l’ « Art Brut Japonais » avait déjà été présentée et remporta un vif succès sur un plan public comme artistique. En atteste la présence des œuvres de Shinichi SAWADA, un des 63 artistes qui avaient été exposés à la Halle Saint Pierre, lors de la Biennale de Venise de 2013 !

 

Kasu Suzuki passe son temps à tisser mais il réalise un tissage inversé ayant pour résultat des formes volumineuses. ©2018 Japan FM.

 

Une école japonaise de l’art brut ?

 

Il n’y a donc pas de règles dans l’art brut et qui plus est, l’art brut est un art universel. Les œuvres sont révélatrices d’une perception du monde qui entoure les artistes exposés ! En atteste la série des véhicules de Takumi MATSUHASHI, soulignant ce fort attachemement des Japonais pour les trucks ou encore les ohira (feuilles pliées) de Yoshihiro WATANABE qui sont des origami, art typiquement japonais, sur des feuilles d’arbre.

 

Les ohira de Yoshihiro Watanabe représentent des animaux ©2018 Japan FM.

 

Mais elles sont surtout révélatrices d’une société réputée rigide. Alors peut-on parler d’une école japonaise de l’art brut ? Les œuvres présentées dans « Art Brut Japonais II » montrent à l’instar de la première exposition toute une palette de diversité créative. Mais il y’a peut-être une chose qui a changé depuis l’exposition de 2010, c’est que l’art brut japonais intéresse de plus en plus collectionneurs et galeristes. Autrefois cachés de la société, les marginaux sont devenus un enjeu politique, le succès de « Art Brut Japonais » ayant contribué à une sensibilisation, et ont désormais une plus grande reconnaissance sociale à travers une série de mesures contre la discrimination à l’égard des handicapés physiques et mentaux. Dans un pays extrêmement codifié et où chaque individu est supposé avoir une place définie, l’art brut ne pouvait-il rayonner sans l’intervention de l’état ? C’est ce en quoi cet art brut japonais semble différer de celui défini par Jean DUBUFFET. Il est d’ailleurs intéressant de découvrir les biographies des artistes. Si la plupart sont atteints d’un handicap mental ou de dysfonctionnement intellectuel, d’autres sont des personnes « ordinaires » comme Keisuke ATSUMI, commerçant qui réalisait en secret des sculptures sur son temps libre.

 

Keisuke Atsumi réalise des sculptures de polystyrène recouvert de papier japonais sur lequel sont dessinés des motifs. Commerçant, il faisait ses sculptures comme une activité secrète sans avoir jamais donné aucune explication à sa famille©2018 Japan FM.

 

Et puis il y a deux artistes hibakusha, Masaki HIRONAKA et Yukio KARAKI , victimes de la bombe d’Hiroshima et qui, comme beaucoup d’hibakusha en raison d’un tabou, n’ont su témoigner de ces visions d’horreur vécue que tardivement mais avec un réalisme saisissant. L’art brut au Japon est-il alors le langage de ceux qui ne peuvent ou ne doivent pas s’exprimer ? Mais n’est-ce pas le propre de l’art brut que de trouver « sa source dans le besoin qu’a l’homme de s’exprimer » ?

 

Yukio Karaki est décédé en 2016. Il avait 15 ans quand Little Boy a frappé Hiroshima. Se trouvant à 3km de l’hypocentre, il a été témoin de toute l’horreur de l’arme atomique mais il ne s’était jamais exprimé avant 1984. ©2018 Japan FM.

 

L’info supplémentaire : en plus de l’exposition, vous aurez le plaisir de découvrir une librairie proposant de nombreux titres japonais ou sur le Japon, parfois difficiles à trouver ! Outre le catalogue de l’exposition, qui vous apportera des précisions sur les artistes exposés ainsi que sur ce qu’est l’art brut japonais, vous y trouverez en vrac des essais sur le nucléaire, quelques mangas notamment sur Fukushima, un livre illustré sur le shunga, le catalogue de l’exposition Jakuchû qui n’a pas encore débuté ou encore de nombreux romans. Il s’avère qu’en temps normal vous n’y trouveriez pas autant de références sur le Japon dans cette librairie, mais grâce à l’exposition « Art Brut Japonais II » le public y trouvera peut-être son bonheur, du moins jusqu’au 10 mars 2019 !

Informations pratiques dans votre agenda.

 

Photo : « Bara bara so waka » de Marie Suzuki ©2018 Japan FM.

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