Le journaliste japonais retenu en otage en Syrie a été relaché

Jumpei YASUDA était retenu en otage en Syrie depuis juin 2015. Mercredi 24 octobre, le gouvernement japonais a annoncé sa libération. Le journaliste free lance est désormais de retour au Japon.

C’est une histoire qui se termine bien, à la différence de celle de son confrère Kenji GOTO ou de l’entrepreneur Haruna YUKAWA, tous deux otages puis exécutés par l’Etat Islamique fin janvier 2015. Une chance pour Jumpei YASUDA, qui connaît plutôt bien le Moyen-Orient pour y avoir été une première fois en 2003 dans le cadre de son travail. Il avait d’ailleurs déjà été capturé en Irak en 2004 où il avait été gardé en otage durant trois jours. S’il se trouvait en Syrie en 2015 c’est pour enquêter sur place suite à la disparition de ses deux compatriotes et avait été considéré disparu depuis le 20 juin 2015, date de son dernier post sur son compte Twitter, avant que Reporters Sans Frontières n’annonce que Jumpei YASUDA est retenu en captivité en décembre de la même année. Cette information n’avait alors pas été confirmée par le gouvernement japonais qui n’avait pas non plus commenté cette déclaration de RSF. En dépit du silence du Japon, l’organisme n’a jamais cessé de demander la libération de Jumpei YASUDA et de demander au gouvernement japonais d’agir. C’est seulement en mars 2016 qu’une vidéo est mise en ligne dans laquelle le journaliste apparaît en tant qu’otage. Selon les informations récoltées alors, le journaliste aurait été retenu par le groupe terroriste liée à Al-Nosra, une branche d’Al Qaida. Ce dont doute l’ex-otage au cours d’une interview donnée à l’Asahi Shimbun dans l’avion qui le ramenait au Japon il y a quelques jours. S’il ne sait toujours pas à l’heure actuelle qui a pu être son ravisseur, Jumpei YASUDA pense qu’il s’agit d’un groupuscule laïc, précisant également que durant sa captivité, parmi les prisonniers qu’il a pu voir, se trouvaient des membres d’Al-Nosra. En mai 2016, une autre vidéo émergeait, plus inquiétante puisque Jumpei YASUDA apparaissait un message écrit dans les mains où on pouvait lire « Aidez-moi s’il vous plaît. C’est ma dernière chance. Yasuda Jumpei ». Ce qui demeure étrange c’est que dans une dernière vidéo mise en ligne en juillet 2018, il y apparaît mais donne pour identié Umaru, originaire de Corée de Sud. Il s ‘y exprime cependant en japonais, et a facilement été identifié lorsque la vidéo est apparue. Il s’en est justifié auprès de la presse en indiquant qu’il a dû se convertir à l’islam et qu’Umaru était son nom de converti mais qu’il a dû mentir sur sa véritable nationalité à cause de ses ravisseurs.

 

Après 40 mois de captivité, Jumpei YASUDA est enfin un homme libre et est de retour au Japon depuis le 25 octobre où il a pu retrouver sa femme. D’après l’article de l’Asahi Shimbun issu de son interview, Jumpei YASUDA donne des détails sur sa détention et les jours précédents sa libération. Il y raconte avoir été capturé le 23 juin 2015, et « avoir affronté une situation de violences physiques » mais aussi « de la torture psychologique ». Il explique ainsi que, à partir de 2016, il a été transféré d’une maison résidentielle à un centre de détention où ses ravisseurs lui promettaient tous les jours qu’il serait bientôt libéré. Il décrit également la cellule dans laquelle il a été confiné pendant 8 mois comme étant une toute petite pièce d’1 m sur 1m50 qui lui laissait aucune place pour allonger ses jambes. Détenu isolé, il ne pouvait même pas bouger dans son sommeil tant sa cellule était minuscule. Il n’aurait jamais cessé de négocier avec ses ravisseurs afin d’être libéré. Une semaine avant de l’être, il explique avoir été transféré vers un autre lieu. Puis le 23 octobre, il aurait été emmené jusqu’à la frontière turque où il a enfin retrouvé la liberté.

 

De retour au Japon, Jumpei YASUDA n’a pourtant pas reçu un accueil chaleureux des Japonais. D’après Le Monde, l’annonce de sa libération a été suivie de nombreuses critiques sur le réseau social Twitter, l’accusant de « jinko sekinin » ou de « responsabilité individuelle ». Tout comme pour Kenji GOTO et Haruna YUKAWA, les Japonais semblent ne pas comprendre que leurs compatriotes aient bravé l’interdiction du gouvernement japonais en se rendant en milieu hostile. Le problème c’est que bien que le Premier ministre Shinzô ABE ait déclaré « être soulagé » de cette libération, lorsque Kenji GOTO et Haruna YUKAWA étaient otages de Daesh, il y a eu quelques polémiques au Japon selon lesquelles ces deux personnes n’avaient rien à faire en Syrie et que c’était de « leur faute » s’ils s’étaient retrouvés otages et décapités. En fait, le gouvernement japonais semble n’avoir aucun moyen de négocier avec les terroristes. Dans le cas de Jumpei YASUDA, ce serait donc grâce à l’intervention de la Turquie et du Qatar qu’il a été libéré, sans qu’aucune rançon n’ait été versée d’après une déclaration du porte-parole du gouvernement japonais Yoshihide SUGA. En revanche, la presse affirme que de l’argent aurait été versée par le Qatar. Ce dont doute Jumpei YASUDA qui explique que si tel était le cas, il « aurait été traité comme un invité » durant ses derniers jours de captivité, redoutant également que « si (les extrêmistes) voient le Japon comme une nation qui paie de l’argent pour un ressortissant pris en otage, alors plus de Japonais pourraient être visés. ». Ainsi, à son retour chez lui, son épouse aurait transmis un communiqué de presse pour Jumpei YASUDA, dans lequel il y présente ses excuses « pour avoir causé des problèmes et suscité des inquiétudes ».

 

 

Sources : Asahi Shimbun, RSF, The New York Times, Le Monde.

Photo : Jumpei Yasuda à son arrivée à l’aeroport de Narita, au Japon le 25 octobre ©KYODO/REUTERS via Le Monde.

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