La compétition du festival Kinotayo se déroule en ce moment même, et parmi les films en compétition, le drame historique « Le Chrysanthème et la Guillotine » de Takahisa ZEZE et dont il ne reste que très peu de projections.
Quand un réalisateur décide de se faire rencontrer deux faits historiques dans une fiction, cela donne « The Chrysanthemum and the Guillotine » (« Kiku to girochin » en japonais). Takahisa ZEZE est plutôt connu pour avoir tourné des films érotiques, les Pinku Eiga, pour lesquels il a reçu de nombreuses récompenses et est même considéré comme un des « quatre dieux du Pink » ! Depuis les années 2000, il se met à la réalisation de documentaires et de films plus traditionnels.
Synopsis officiel : Le 1er Septembre 1923, le grand tremblement de terre du Kanto plongeait Tokyo et ses environs, dans le chaos. De ces ruines, naîtront les premiers signes d’une militarisation du pays qui se poursuivra durant les décennies à venir. Au même moment, on observe l’épanouissement de cultures locales, encore méconnues aujourd’hui, telles qu’un circuit national de sumo féminin. Le sport se développe au début du XIXème siècle avant de disparaître durant la période d’après-guerre. Exclues de l’histoire, ces femmes intrépides resteront dévouées corps et âmes à leur sport. Avant de dévoiler le synospsis, voilà la bande annonce, disponible uniquement en japonais non sous-titrée.
Vous l’aurez compris, Takahisa ZEZE évoque dans ce long-métrage le sumo féminin qui a été pratiqué vers la moitié du XIXème siècle jusqu’en 1955 et était même très populaire selon le réalisateur, il y a eu même plusieurs troupes de sumo féminin dans tout le pays, avant que les femmes n’effectuent un retour difficile dans ce sport ces dernières années. Pour interpréter le rôle d’une de ces femmes, celui d’HANAKIKU (littéralement « chrysanthème »), l’actrice Mai KIRYU a été choisie « pour son caractère similaire à celui de son personnage » et était par ailleurs venue pour inaugurer le festival Kinotayo à la MCJP.
Mai Kiryu à l’inauguration du festival Kinotayo à la MCJP ©2019 Japan FM.
La jeune actrice frêle que nous voyons révèle avoir dû prendre du poids pour être crédible dans son rôle et s’est préparée aux techniques du sumo en s’entraînant avec des lutteuses de l’université ! Ce que n’évoque pas ce synopsis mais qui est sous-entendu dans le titre, c’est le sujet de l’anarchie à travers « the Guillotine », une société secrète d’anarchistes qui a réellement existé au Japon, à Ôsaka. Les personnages associés à la société de la Guillotine dans le film interprétés notamment par Masahiro HIGASHIDE (Tetsu NAKAHAMA) et Kan’ichiro ((Daijiro FURUTA) ont ainsi réellement existé. Prenant comme point de départ le grand tremblement de terre du Kantô, Takahisa ZEZE fait se rencontrer le sumo féminin et des anarchistes pour proposer une réflexion sur l’émergence de mouvements nationalistes.
Photo extraite du film « Kiku to girochin » de Takahisa Zeze via Kinotayo
« The Chrysanthemum and the Guillotine » est un film qu’il a pensé depuis 1995 ! Mais c’est le terrible séisme qui a ravagé le Tôhôku en 2011 suivi de l’apparition de mouvements nationalistes à travers le monde qui ont poussé Takahisa ZEZE à concrétiser le film. Il faut dire que pour lui, ce sont des signes avant-coureurs d’une nouvelle guerre, expliquant dans une vidéo d’introduction à la projection que ce sont des sentiments similaires qui ont été ressentis en 1924. C’est pour cette raison que Takahisa ZEZE installe son récit durant les dernières années de l’ère Taishô, lors du grand séisme de 1923 qui a été suivi peu après dans la réalité par le massacre de Coréens, représenté dans ce film par le personnage de TOKACHIGAWA. A travers une fiction basée sur des faits réels qui se sont déroulés il y a près d’un siècle, le réalisateur propose une histoire qui traverse les époques.
Photo extraite du film « Kiku to girochin » de Takahisa Zeze via Kinotayo
Photo extraite du film « Kiku to girochin » de Takahisa Zeze via Kinotayo
L’avis de Yuuki K. :
D’une certaine longueur avec 189 minutes de film mais cela vaut le coup grâce à la découverte d’une période méconnue ici de l’histoire du Japon. On parle très peu de l’ère Taishô finalement, peut-être en raison de sa courte durée (de 1912 à 1926) se concentrant davantage sur l’ère Meiji qui l’a précédée symbole de l’ouverture du Japon, puis sur l’ère Shôwa qui a suivi et qui est associée à la guerre, pourtant c’est bien durant cette ère que se met en place ce qui suivra. On parle aussi très peu du sumo féminin, ou onnazumo. Malgré la popularité de ce sport à l’époque, c’est un sujet qui est très peu abordé au Japon comme l’indiquent Takahisa ZEZE et Mai KIRYU. Tout comme l’histoire du socialisme d’ailleurs, au point que l’actrice a expliqué au public que les acteurs ont participé à un séminaire afin de mieux comprendre de quoi il s’agissait ! Au-delà des aspects historiques, « The Chrysanthemum and the Guillotine » est aussi une réflexion sur la notion de liberté à travers la société de la Guillotine qui souhaite s’affranchir de l’autorité symbolisée par l’Empereur, et à travers ces femmes qui veulent s’affranchir de leur condition en intégrant la troupe de sumo féminin. Tous sont considérés comme en marge de la société dans le contexte d’un Japon où dominent le patriarcat, le nationalisme et la répression, et rêvent d’égalité et de justice. Dommage que le film ne soit pas prévu au cinéma en France, surtout que Mai KIRYU a été récompensée du Tokyo Gemstone Award (récompense pour les jeunes acteurs) lors du dernier Tokyo International Film Festival pour son interprétation. Il reste cependant quelques rares séances d’ici la fin de Kinotayo ! Sans oublier que vous pouvez toujours voter pour votre film favori pour le prix du Soleil d’Or du Public.
Photo extraite du film « Kiku to girochin » de Takahisa Zeze via Kinotayo