L’exposition Hiroshige et l’éventail est ouverte au public depuis le 15 février au Musée national des arts asiatiques – Guimet. Ce sont des œuvres méconnues et rares qui sont alors dévoilées, issues principalement de la collection de Georges LESKOWICZ. La promesse d’un « voyage au Japon du XIXème siècle » est-elle remplie ?
C’est d’une extrême rareté que de pouvoir admirer ces estampes destinées à orner des éventails plats, uchiwa ! Lors de la visite ouverte au média, le directeur de la conservation et des collections du musée, Vincent LEFEVRE, emploie le terme de « paradoxe » pour cette exposition. En effet, les œuvres présentées au musée Guimet sont méconnues bien que le nom d’Hiroshige soit mondialement connu. C’est un paradoxe car les éventails uchiwa sont des objets pratiques et peu chers ayant différentes fonctions utiles mais jetables et les estampes exposées sont dans un très bon état. Là encore, paradoxe car si les estampes du XIXème de Hiroshige ou Hokusai, pour ne citer que les plus connus, sont érigés au rang d’art et à partir de la fin du XIXème siècle provoquent le Japonisme en Europe, les estampes réalisées avant le XIXème sont, comme les uchiwa, distribuées comme des tracts publicitaires. J’ai envie d’ajouter un dernier paradoxe, si les éventails plats ou uchiwa sont originaires de Chine, le Japon a inventé son propre style d’éventail dit sensu ou ôgi. Ces éventails ont été introduits en Europe dès le XVIème siècle par les Portuguais, puis répandus grâce à Catherine de MEDICIS. Je me demande alors s’il existe des estampes pour sensu ou ôgi ? Vincent LEFEVRE me répond que non, tout simplement parce que les plis auraient fragilisés les estampes ! Quelques siècles plus tard, c’est le collectionneur franco-polonais Georges LESKOWICZ qui, fasciné, s’est mis en tête d’acquérir des estampes japonaises tout en privilégiant la qualité plutôt que la quantité. Parmi ces estampes, celles destinées pour les uchiwa appelées aussi uchiwa-e. Et sur les 650 estampes pour uchiwa réalisées par Hiroshige, Georges LESKOWICZ en a acquis 120 faisant de lui, à ce jour, l’un des plus grands collectionneurs au monde. Avant lui, en Europe, seul le Victoria and Albert Museum à Londres s’intéressait à ce type d’estampes et cela, dès le début du XXème siècle et c’est alors l’institution britannique qui possède la première collection au monde d’estampes pour uchiwa. Malheureusement, le reste de ces 650 uchiwa-e a très certainement disparu.
Dans Hiroshige et l’éventail, on retrouve une centaine d’œuvres dont la majorité est issue de la collection de Georges LESKOWICZ. Sur ces estampes, qui précisons-le ici sont dans un très bon état car il s’agirait de modèles non découpés et restés intacts, on retrouve les thèmes privilégiés par UTAGAWA Hiroshige, rassemblés dans cette exposition en 6 catégories : les paysages d’Edo et d’autres provinces japonaises comme une série complète des Huit vues d’Ômi – des paysages entourant le lac Biwa de l’ancienne province d’Ômi, aujourd’hui département de Shiga, des portraits de femmes et de leur quotidien comme une description d’un Jeu de main Totetsuruken, représentations de la faune et de la flore, sujets historiques, de la littérature et du théâtre où on retrouve des estampes issues de la série des Trente-six génies féminins de la poésie – un groupe réunissant des poétesses ayant vécu entre le IXème et le XIIème siècle et un thème artistique très représenté au cours de l’époque d’Edo, et enfin des estampes parodiques à l’image de La danse de la fête des morts (Bon Odori) qui est une des rares danses représentées par Hiroshige. C’est donc définitivement un « voyage dans le Japon du XIXème siècle » que nous propose le MNAAG à travers Hiroshige et l’éventail. Voici, ci-après, un florilège en photo de cette exposition à ne pas manquer !
Si les estampes exposées sont principalement de Hiroshige, et constituent en soi un évènement, l’exposition rappelle aux visiteurs que la création d’une estampe est certes l’œuvre d’un artiste mais est surtout un travail collectif entre l’éditeur, le dessinateur, le graveur et l’imprimeur. Hélas, parmi tous les éditeurs d’uchiwa-e exposés au Musée Guimet, il ne reste plus qu’un seul éditeurde cette époque encore ouvert à Tôkyô (dont vous retrouverez l’adresse dans le prochain Carnet).
* Hiroshige et l’éventail, informations pratiques et ateliers ici.






