L’histoire du tout premier porte-parole des victimes d’Hiroshima et de Nagasaki, lui-même victime de la bombe atomique larguée sur Nagasaki.
Après le récit de Tsuyo Kataoka, voici l’histoire de Senji Yamaguchi, victime de la bombe atomique qui a frappé Nagasaki le 9 Août 1945. Loin de se laisser abattre, il a été l’un des premiers à parler pour les victimes des bombes mais aussi un des fervents activistes contre le nucléaire. Il a également été le premier à s’adresser à l’ONU en 1982.
Le 9 Août 1945, Senji Yamaguchi avait 14 ans et travaillait, comme beaucoup d’autres jeunes de son âge, dans l’usine d’armement de Nagasaki lorsque la bombe frappa la ville. Il se trouvait alors à 1,3 km du point d’impact. Toute la partie supérieure de son corps fut alors brûlée et est depuis marquée par des chéloïdes nécessitant de nombreuses opérations. Suite à l’explosion, il fut pris d’une fièvre intense et de fortes diarrhées durant près de 40 jours. Malgré la douleur qu’il ressentait lorsque les infirmières changeaient ses pansements, et malgré un état de conscience limité, il se souvint des autres victimes qui partageaient sa chambre et qui mourraient les uns après les autres. Déchargé de l’hôpital 7 mois après le drame, Yamaguchi retourna au lycée et fut diplômé mais se retrouva confronté à la difficulté d’avoir un travail, à cause de son état physique, mais aussi au regard des autres, insensibles à ce qui lui était arrivé. Durant de nombreuses années, il ne put se regarder dans un miroir et fut effrayé du regard d’autrui, marqué non seulement par les railleries de ses camarades de classe mais surtout par le suicide d’une des infirmières qui s’occupait de lui lorsqu’il était hospitalisé. Une fois, il fut vraiment sur le point de se donner la mort mais profondément marqué par ce qui lui était arrivé ainsi qu’aux autres victimes, il décida de se battre.
Dès 1955, Yamaguchi met en place une organisation pour les victimes de la bombe atomique, le Nihon Hidankyo, malgré les discriminations de l’époque vis-à-vis des hibakusha. Tout naturellement il devint aussi très impliqué dans la lutte contre les armes nucléaires à tel point qu’il fut la première victime à s’être adressé aux Etats-Unis lors d’un discours marquant à l’ONU en 1982, où il dévoila des photographies de ses propres chéloïdes. Il se servit de sa propre expérience pour interpeler le monde entier sur les conséquences désastreuses des armes nucléaires sur un être humain. Son discours se conclut par une phrase marquante, un cri du cœur: « No more Hiroshima ! No more Nagasaki ! No more war ! No more hibakusha ! ». Malgré ses blessures, et la fatigue, conséquence de l’énergie qu’il employa à chaque fois qu’il devait parler, il n’a jamais cessé son combat à travers le monde. Senji Yamaguchi s’est éteint le 6 juillet 2013 à l’âge de 82 ans. Il laisse derrière lui une femme et deux enfants.
En2004, son combat a tant marqué les esprits qu’un membre du comité du prix Nobel plaide à travers une lettre ouverte pour que Senji Yamaguchi soit nommé parmi les candidatures pour le prix Nobel de la Paix. Il ne l’obtint jamais. Si Senji Yamaguchi ne se trouve plus parmi nous, son combat existe toujours à travers tous les autres hibakusha et à travers toutes générations suivantes, qu’il a pu sensibiliser.
Une autobiographie a été publiée en 2002, « Burnt Yet Undaunted » mais celle-ci n’est disponible qu’en anglais.
Sourcesphotos : The Japan Times, Dickinson College & ASAHI SHIMBUN