Dans le cadre des récits consacrés aux survivants de la bombe atomique d’Hiroshima et Nagasaki, voici l’histoire d’un hibakusha connu du public: Keiji Nakazawa.
Après les récits de deux hibakusha de Nagasaki, voici l’histoire d’une des victimes de la bombe atomique à Hiroshima, que vous connaissez peut-être puisqu’il s’agit de l’auteur de « Gen d’Hiroshima », l’un des premiers mangas à être publié en France : Keiji Nakazawa. C’est d’ailleurs un manga si bouleversant que nous ne nous emploierons pas à détailler son récit ici, mais nous vous invitons, chers lecteurs, à lire cette œuvre autobiographique.
Keiji Nakazawa avait seulement 6 ans lorsque la bombe atomique frappa Hiroshima. Ce jour-là, il perd son père, son plus jeune frère et une de ses sœurs dans les flammes qui engloutirent la ville –un évènement auquel il n’a pas assisté, une des seules différences avec Gen dans son œuvre autobiographique. Séparé de sa famille ce matin-là, il finit par retrouver sa mère et deux de ses frères avec lesquels il survit, après avoir été témoin de l’enfer sur Terre. Ce n’est seulement lorsque sa mère décéda à 60 ans, une vingtaine d’années après le tragique évènement qu’il se décide à dessiner sa propre histoire. Choqué de constater que les os dans les jambes de sa mère étaient nécrosées, lors de sa crémation, il devine alors une conséquence de la bombe atomique. Bien qu’il ait déjà travaillé sur plusieurs mangas jusqu’alors, le décès de sa mère et cette vision d’horreur le décident à parler de sa propre expérience de la bombe atomique. Il l’évoque pour lapremière fois en 1972 dans un récit court jusqu’à ce que le magazine Shônen Jump lui permette de développer son histoire dès 1973, avant d’être édité en manga grâce aux éditions Choubunsha Publishing dès 1975 qui distribue cet ouvrage également dans des librairies scolaires. Un récit poignant, qui permit à beaucoup d’ouvrir les yeux sur la réalité des armes nucléaires. Art Spiegelman, auteur de la bande dessinée « Maus »sur la Shoah, écrivit en préface de « Gen d’Hiroshima » : « La plus grande vertu de ce travail est son abrupte et totale sincérité. Sa conviction et son honnêteté nous permettent de croire à l’incroyable, à l’impossible qui pourtant se produisit à Hiroshima. C’est l’art inexorable du témoignage.».Plus qu’un récit sur la bombe atomique et ses conséquences, c’est un témoignage historique et précieux sur le comportement de la société japonaise pendant et après-guerre,qui, marqués par un profond nationalisme, n’étaient pas tendres avec les victimes de la bombe. Et si l’auteur se permettait de critiquer ces comportements et ainsi de libérer sa colère, et malgré tout ce qui lui était arrivé, il est resté profondément humain.