A bientôt cinq ans des évènements dramatiques de Fukushima, la société TEPCO vient de déclarer avoir minimisé la gravité de la situation dans la centrale. Un procès aura bientôt lieu
Une catastrophe prévisible :
C’est la semaine dernière que la nouvelle est tombée. TEPCO (Tokyo Electric Power Company), l’opérateur de la centrale de Fukushima-Daiichi, a présenté ses excuses le 24 février dernier pour « pour avoir affirmé par erreur que rien ne permettait de déterminer qu’une fusion du cœur de réacteur était en cours ». Pour rappel, TEPCO avait annoncé deux mois après la catastrophe du 11 mars 2011 que le cœur du réacteur n°1, puis quelques jours plus tard que celui des réacteurs 2 et 3 étaient entrés en fusion alors que ces derniers auraient fondus en réalité dès les heures qui ont suivi le tsunami. Pourtant de nombreux experts s’alarmaient de cette situation sans que TEPCO ne réagisse, causant de nombreuses critiques évoquant des falsifications et omissions de données. TEPCO explique alors aujourd’hui que selon leur manuel de gestion de crise, en effet, la société aurait pu déclarer la fusion du cœur des trois réacteurs dans les heures qui ont suivi l’incident au lieu des deux mois. Selon ce manuel pourtant mis à jour quelques mois avant la catastrophe, il y était indiqué que : « [si] l’endommagement d’un cœur de réacteur dépasse 5 %, on peut en déduire que la fusion du cœur est en cours », or cette règle n’a pas été appliquée. Pourtant la compagnie avait bien déclaré dans les jours suivants que le cœur du réacteur n°1 avait été endommagé à 55%, celui du n°2 à 35% et celui du n° 3 à 30%, sans pour autant annoncer la fusion. Selon le fournisseur d’énergie, si personne n’a daigné avertir les autorités compétentes d’une fusion en cours, c’est parce que l’entreprise n’aurait pas été au courant de ce critère. Conséquence, à la demande du gouverneur de Niigata, Hirohiko IZUMIDA, une enquête interne et externe va être menée. Ce dernier est inquiet et ne souhaite pas le redémarrage de la centrale Kashiwazaki-Kariwa, prévu prochainement, sans que toute la lumière soit faite sur ce qui s’est passé à Fukushima-Daiichi.
Un procès contre trois anciens dirigeants :
Sans que les excuses publiques de TEPCO n’y soient liées, ce jour, on apprend que trois anciens dirigeants de la compagnie électrique seront jugés. L’ancien PDG Tsunehisa KATSUMATA et ses deux anciens Vices-Présidents, Sakae MUTO et Ichiro TAKEKURO, ont été mis en examen aujourd’hui et devront se justifier sur leurs incapacités à anticiper la crise de Fukushima, au Tribunal. En effet, c’est car un groupe de citoyens a porté plainte dès 2012 contre plusieurs dirigeants de la société ainsi que du gouvernement que ce procès va se tenir. Or la Justice avait rejeté une première fois la plainte en 2013, considérant que ni TEPCO, ni le gouvernement ne pouvait prévoir une catastrophe de cette ampleur. Sauf qu’en réalité ils auraient pu anticiper le drame en atteste une étude du gouvernement indiquant la probabilité d’une vague de plus de 15 mètres dans cette région. Les trois anciens dirigeants, sur qui la plainte est désormais visée, savaient donc parfaitement qu’un tsunami de plus de 10 mètres pouvait frapper les côtes autour de la centrale, et par conséquent il leur est reproché de n’avoir fait aucune démarche pour protéger au mieux la centrale. Du coup, ce groupe de citoyens compte également profiter de l’occasion pour que le trio d’anciens dirigeants soient jugés pour avoir été responsables, par leur inaction, de la mort de 44 patients hospitalisés alors à Futaba, à proximité de la centrale mais aussi pour avoir provoqué indirectement la blessure de nombreux habitants locaux lors de l’évacuation qui a suivi les évènements de 11 mars 2011.
Si TEPCO s’est excusé d’avoir menti, la société s’est refusée à tout commentaire concernant la mise en examen de ses trois anciens dirigeants, en poste pendant la catastrophe et les mois qui ont suivi. La question désormais est de savoir si lors du procès les langues vont se délier, mais aussi si cela aura une conséquence sur le redémarrage des réacteurs nucléaires du pays. En attendant, ce procès est une première puisque pour la première fois des responsables pourraient être désignés concernant l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi.
Source : France Culture, Asahi Shimbun, Japan Times, Le Monde
Photo : vue aérienne de la centrale de Fukushima Daiichi, International Business Times ©REUTERS