Connaissiez-vous le terme de « karôshi » ? Celui-ci désigne la mort par surmenage au travail au Japon. Une étude vient d’être publiée dont les résultats indiquent que les employés d’1 entreprise sur 4 sont concernés par ce phénomène.
Plus grave encore que le burn out, désignant l’épuisement dû à trop de travail, le karôshi désigne l’étape suivante, celle de la mort d’un employé par attaque cardiaque, accident vasculaire cérébral voire le suicide, résultant de trop de travail. Selon un neuropsychiatre, Patrick MESTERS, « le karôshi peut être considéré comme une manifestation ultime d’un burn out » (in « Sciences et Avenirs » du 26 août 2013). Phénomène évoqué à plusieurs reprises par les médias, c’est une maladie reconnue par l’Etat japonais depuis les années 1980. En 2015, 2 159 individus ont mis fin à leur jour au moins en partie pour des raisons liés à leur travail, 96 individus décédés par accident vasculaire cérébral ou arrêt cardiaque ont été reconnus victimes du karôshi par le gouvernement. Et ce en dépit d’une loi de prévention votée en 2014 où par exemple le gouvernement japonais incite les employés à prendre des congés avec la création d’un jour férié, celui du « Yama no hi » (« le jour de la montagne » en français) le 11 août et en vigueur depuis cette année, ou encore la fin de la rémunération des heures supplémentaires pour les salariés gagnant l’équivalent de plus de 80 000 euros par an, -qui concerne seulement 4% des salariés. Une mesure contestée par des universitaires qui soulèvent le risque des dérives liés à la fin de la rémunération des heures supplémentaires, pourtant cette mesure est dédiée à favoriser une meilleure productivité et ainsi rémunérer non pas au volume horaire mais au résultat. Cette fois, le karôshi est médiatisé en raison d’une étude réalisée sur 1 743 entreprises et 19 583 employés, et approuvée par le gouvernement, un premier livre blanc, et dont le résultat est inquiétant. Pour réaliser ce rapport, les entreprises japonaises ont été interrogées, et il en résulte que 22,7% de ces entreprises déclarent que certains de leurs salarymen effectuent plus de 80 heures supplémentaires par mois (seuil à partir duquel le risque de karôshi est important) et ce chiffre est encore plus inquiétant quand on cherche à comprendre quel secteur est le plus touché, avec par exemple 44,4% des entreprises informatiques déclarant que certains de leurs salariés effectuent plus de 80 heures supplémentaires par mois. Au final, ce livre blanc dévoile qu’un employé sur 5 peut mourir à cause de son travail. Dans le même temps, une entreprise au Japon symbolise malgré elle le problème du karôshi, il s’agit de l’agence publicitaire Dentsu, avec la médiatisation du suicide survenu à Noël 2015 d’une de ses employés âgée de 24 ans, et reconnu en début de mois comme une conséquence d’un surmenage au travail par l’inspection du travail après que l’enquête ait révélé que la jeune femme effectuait environ 105 heures supplémentaires par mois. Cette agence avait déjà fait l’objet d’un procès très médiatisé par le passé en raison du karôshi, en 1996 où l’agence avait été condamnée à payer 126 millions de yens à la famille d’un de ses employés qui s’était suicidé. Suite à ce procès, Dentsu avait fait appel, mais après décision de la Cour Suprême en faveur de la famille de la victime en 2000, l’agence avait alors déclaré qu’elle encadrerait désormais les horaires de travail de ses employés.
Mais si ce rapport pointe la nécessité de ces entreprises de changer les conditions de travail, et on voit avec le cas Dentsu que sans réforme de la part du gouvernement, cela ne risque pas de changer, mais le gouvernement a pour objectif de réduire le pourcentage de salariés effectuant plus de 60 heures de travail hebdomadaire à 5% et veut que tous les employés prennent au moins 70% de leurs congés payés d’ici 2020. Autre mesure du gouvernement, un panel de discussion pour réformer le travail débutera le mois prochain, mais une critique émerge déjà puisque dans ce panel seul un membre, représentant syndical, portera la voix des employés.
Sources : The Japan Times, Asahi Shimbun, Le Point.
Photo : Salarymen in Tokyo, ©Gabriel Synnaeve – source Wikimedia Commons.