La plupart des films d’animation sont réalisés depuis plusieurs années maintenant en images de synthèse et rares sont ceux qui poursuivent l’animation à « l’ancienne ». Le progrès ne s’arrêtant pas, certains travaillent à générer des animations grâce à l’intelligence artificielle. Dans un documentaire diffusé sur NHK, une entreprise présente son projet à Hayao MIYAZAKI et le verdict est sans appel.
Face à Nobuo KAWAKAMI, président de DWANGO, un groupe japonais de télécommunication qui comporte entre autres un laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle, le Maître de l’animation ne mâche pas ses mots ! En effet, lors d’une présentation pour démontrer les progrès réalisés par cette société sur la réalisation d’images animées par I.A., le président de DWANGO lui présente une animation, une forme humaine se contorsionnant au sol pour se mouvoir, se servant même de ce qui ressemble à une tête pour ce faire. Il explique alors que cette animation résulte du fait d’avoir enseigné à l’I.A. comment se déplacer plus rapidement, et n’ayant aucune conscience de la douleur, c’est pourquoi il peut se servir de sa tête comme s’il s’agissait d’un pied. Il décrit alors des mouvements « grotesques » qui pourraient être utiles pour animer des zombies dans un jeu. Comme vous pourrez le voir sur la vidéo ci-dessous (en japonais sous-titré en anglais), Hayao MIYAZAKI s’indigne brutalement après un temps de silence et le président de DWANGO est alors surpris par cette réaction. En effet, Hayao MIYAZAKI lui dit que ce qui lui est présenté « le dégoûte complètement » et lui rappelle un de ses amis physiquement limité dans ses mouvements, en raison de son âge. Il s’emporte disant que « ceux qui ont créé cela ignorent tout de la douleur », ajoutant même croire fortement « que c’est une insulte à la vie » et refusant totalement d’incorporer cette technologie à ses œuvres.
Une réaction étonnante ? Pas tellement, puisqu’au-delà des thèmes environnementaux et profondément humains développés dans les films d’Hayao MIYAZAKI, si vous avez regardé le film documentaire de 2013 « le royaume des rêves et de la folie » par Mani SUMADA (ayant été diffusé à plusieurs reprises sur Ciné + Famiz en novembre) qui suit la production du dernier film du Maître « Le Vent se lève », on peut constater qu’Hayao MIYAZAKI travaille de façon traditionnelle, par exemple en calculant mentalement le déroulé de son film à partir de ses dessins ! Méticuleux, consciencieux et perfectionniste dans sa manière de travailler l’animation, que peu suivent de nos jours, c’est probablement pourquoi, on peut le voir à la fin de l’extrait ci-dessus, Hayao MIYAZAKI estime que « nous, humains, perdons foi en nous-mêmes », et pressentant « la fin » c’est probablement aussi la raison pour laquelle il raconte dans le documentaire de Mani SUMADA ne pas être effrayé par la fin du Studio Ghibli, qui pour lui est inévitable. Mais en attendant, Hayao MIYAZAKI demeure la référence actuelle et incontestable de l’animation japonaise, et à cet égard son avis compte dans le milieu de l’animation, raison pour laquelle Nobuo KAWAKAMI a bien du mal à défendre son projet face à la réaction du réalisateur.
Cette pensée d’Hayao MIYAZAKI a été dévoilée dans un documentaire diffusé sur NHK en novembre 2016, « NHK Special : Owaranai Hito Miyazaki Hayao ». C’est dans ce même film que le réalisateur dévoile travailler sur un nouveau film, alors que quelques années auparavant, il affirmait que « le Vent se lève » serait son dernier. Si à l’origine il s’agit d’un premier court-métrage intégralement en images de synthèse du Studio Ghibli pour son musée, « Kemushi no Boro », Hayao MIYAZAKI étant insatisfait par le résultat de ce court, a alors déclaré qu’il comptait en faire un long-métrage prévu pour 2019. Une manière de prouver qu’avec sa créativité et sa manière de faire l’animation, un homme peut toujours nous émerveiller et faire mieux que la technologie ?
Sources : NHK, International Business Times, Tokyo Reporter.
Photo : Photo d’illustration du documentaire ©NHK