Des démonstrations à l’espace DENSAN pour la pérennité des artisans

Depuis l’ouverture de l’espace DENSAN à la Maison Wa en octobre 2016, plusieurs artisans ont fait le voyage depuis le Japon pour parler de leur savoir-faire. Le week-end dernier, c’était le président d’HOKIYAMA, coutelier, et une tisseuse d’ômi-jôfu qui avaient fait le déplacement.

L’association DENSAN a été fondée en 1975 avec le soutien du Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI), et regroupe 225 objets considérés comme provenant de l’artisanat traditionnel selon des critères bien précis. Une sélection de ces objets sont présentés actuellement à l’espace DENSAN installé à la Maison Wa, par roulement, rythmée par la visite de quelques artisans venus démontrer leur savoir-faire. En ce mois de février, trois autres artisans représentant l’art de la coutellerie, du tissage de toile, et de la céramique sont venus à Paris.

 

L’artisanat, gage de qualité depuis des siècles

 

Shinsuke HOKIYAMA est artisan-coutelier de père en fils. L’entreprise qu’il préside et qui porte son nom de famille a été fondée par un de ses aïeux dans le département (ou préfecture) de Kôchi, soit l’ancienne province de Tosa, en 1919, et si au départ la société fabriquait des lames destinées à l’agriculture, elle s’est tournée dans la fabrication de couteaux de cuisine dès 1941.

 

Shinsuke Hokiyama expose l’histoire de sa coutellerie le 18 février à la Maison Wa ©Japan FM 2017

 

Une reconversion nécessaire malgré un passé riche puisque la province de Tosa est réputée avec  plus de 500 ans d’histoire, liée aux samouraïs, pour qui la province fabriquait les sabres. Dans un autre domaine de l’artisanat, c’est Fumiyo TATEISHI , tisseuse d’ômi-jôfu, la toile de chanvre,  qui avait fait le déplacement, depuis le département de Shiga pour une démonstration d’ômi-jôfu, sur une machine à tisser traditionnelle appelée jibata.

 

Fumiyo Tateishi, tisseuse d’ômi-jôfu et la machine à tisser jibata, en pleine démonstration le 18 février à la Maison Wa ©Japan FM 2017

 

Elle est alors la représentante d’un artisanat reconnu et existant depuis l’époque Muromachi (1393-1573) où s’est développé l’art de tisser manuellement la toile de chanvre.  Si ces savoir-faire existent toujours de nos jours, c’est que leurs artisans ont su, avec l’arrivée de l’industrialisation opérée depuis la Restauration de Meiji, se moderniser. Que ce soit à travers de nouvelles créations ou en améliorant leurs techniques ancestrales pour pérenniser leurs traditions. Ainsi, originellement, les toiles ômi-jôfu sont destinées à la réalisation de kimono et des obi par exemple. Mais ces derniers nécessitent un temps vraiment long, puisque pour faire un tissu pour le kimono nécessite plus de 6 mois de travail à la tisseuse, tandis que pour un obi, il lui faut tout de même plus de 4 mois ! Or de nos jours, les Japonais achètent de moins en moins de kimono faits à la main pour favoriser les kimono, lorsqu’ils en achètent, faits industriellement. Alors il a fallu trouver de nouvelles utilisations à ces toiles et donc de nouvelles créations plus en phase avec notre époque, comme par exemple des sacs  ou encore des pochettes telles qu’exposées dans l’espace DENSAN de la Maison Wa.

 

Pochette en toile ômi-jôfu, espace DENSAN, Maison WA, source communiqué de presse.

 

Mais l’exemple le plus frappant demeure peut-être celui de la coutellerie HOKIYAMA puisque durant la conférence-démonstration, Shinsuke HOKIYAMA, était venu parler du processus de fabrication de ses couteaux, en évoquant l’évolution de son propre atelier depuis sa fondation. Car après les armes, et les lames destinées à l’agriculture, c’est vers la cuisine que la coutellerie HOKIYAMA s’est tournée. Au-delà de la nouvelle production, HOKIYAMA s’est rendue pérenne en incorporant des innovations dans le processus de fabrication au fil des années. Comme par exemple une découverte technologique majeure qui se trouve dorénavant dans la plupart des cuisines occidentales : la lame céramique ! C’est en effet au cours des années 1980 que la coutellerie découvre comment fabriquer des couteaux en céramique avant que cette innovation ne fasse le tour du monde.

 

L’artisanat a un prix mais est gage de haute qualité

 

Une qualité qui reste incontestable, en atteste la démonstration faite au public par le président d’HOKIYAMA. Ce dernier a pris une corde pour en témoigner, la découpant d’abord avec un couteau allemand de cuisine standard avec plus ou moins de facilité, puis la découpant ensuite avec un des couteaux de son atelier avec une simplicité déconcertante, comme s’il coupait un morceau de beurre fondant.  Mais pour convaincre de la qualité de ces couteaux artisanaux, Shinsuke HOKIYAMA était aussi venu en compagnie du fondateur de la boutique de couteaux, ou hamonoya en japonais, Japanese Knife Company, Jay PATEL.

 

Jay Patel, fondateur de Japanese Knife Company, lors de la démonstration avec les couteaux Hokiyama le 18 février à la Maison Wa ©Japan FM 2017

 

Ce dernier est britannique originaire d’Inde et est passionné de cuisine et lors d’un voyage au Japon, tombe amoureux de l’art de la découpe à la japonaise, ce qui l’a incité à fonder sa boutique pour vendre ces couteaux artisanaux en Grande-Bretagne, puis en France. Et Jay PATEL a su trouver un argument de poids lors de la démonstration puisqu’il a surtout insisté sur le fait qu’un seul de ces couteaux japonais pourra perdurer dans le temps contrairement aux couteaux industriels. Et si vous vous demandez quels types de couteaux acheter, il ajoute que dans notre utilisation quotidienne, nous n’avons ni besoin de beaucoup de couteaux de cuisine, ni même d’avoir une lame de compétition car à moins d’être un professionnel, nous n’avons pas besoin d’être détenteur d’un couteau très élaboré. Seul un couteau avec lequel on se sent à l’aise dans le maniement suffit ! D’autant qu’il s’empare d’un autre argument de poids : le prix.

 

La coutellerie Hokiyama exposée à l’espace DENSAN de la Maison Wa ©Japan FM 2017

 

Si les couteaux artisanaux ont certes un coût important, Jay PATEL insiste aussi sur le fait que pour un couteau artisanal qui coûtera à partir de plusieurs dizaines d’euros pour les couteaux traditionnels premiers prix à plus de 1 000 € pour des lames bien plus élaborées et réalisées à la commande, la plupart des individus achètent plusieurs couteaux industriels à bas coût qui ne dureront pas dans le temps et qui ne tolèreront pas d’aiguisage.  C’est alors une démonstration pédagogique, dans le but de convaincre le public, et pour se faire connaître en dehors du Japon, nécessaire puisque comme l’indique Shinsuke HOKIYAMA, il y’avait environ 1 000 personnes travaillant dans la coutellerie artisanale dans les années 1950, or de nos jours il ne reste que 50 ateliers. Quant à la situation de l’ômi-jôfu, la menace semble encore plus grande car il ne reste que 2 artisans reconnus et 7 apprentis. Pourtant l’artisan, pour être considéré comme tel, doit faire des sacrifices et avoir beaucoup de patience : de longues d’années d’apprentissage, dans le cas de l’ômi-jôfu il faut 12 ans, non payées durant lesquelles les apprentis survivent financièrement à l’aide de petits boulots annexes, d’apprentissage. Alors de moins en moins de jeunes souhaitent devenir artisan et/ou reprendre l’affaire familiale.

 

C’est donc la raison de la présence de ces artisans, aidés par d’autres acteurs professionnels souhaitant promouvoir cet artisanat comme Jay PATEL. Car  n’est-ce pas en martelant et en démontrant qu’un objet fait main et qui prend du temps à être réalisé, aura une qualité indéniable et une durée de vie bien plus longue qu’un objet industriel lambda, que l’idée même de cesser d’acheter à court terme pourra être intégrée dans nos têtes ? Puisque c’est bien de cela dont il s’agit et qui rentre dans un enjeu de notre époque partagé dans le monde entier, celui de mettre fin au gaspillage. L’espace DENSAN offre ainsi aux visiteurs la possibilité de découvrir, ou de redécouvrir, l’appréciation de chaque chose à travers l’artisanat traditionnel japonais. Alors ces démonstrations régulières sont une chance particulière de découvrir non seulement des savoir-faire tel qu’ils sont pratiqués depuis des siècles, avec dialogue, pédagogie et démonstrations à la clé. Et c’est aussi donc avec une certaine impatience que sont attendues les prochaines démonstrations avec les artisans de l’association DENSAN.

 

Photo : Espace DENSAN à la Maison Wa ©Japan FM 2016.

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