Shinzô ABE espère réviser la Constitution pour 2020

Ce jour, le Japon célèbre les 70 ans de sa Constitution. Ce même jour, le Premier ministre déclare à la population son intention de modifier la Constitution et particulièrement son article 9 pour 2020.

Shinzô ABE ne s’en était jamais caché et il l’avait déjà laissé entendre lors d’un discours ce 1er mai face à une assemblée de législateurs et de membres du Parti Libéral Démocrate en faveur de la modification de la Constitution, en déclarant : « Le temps est venu. Nous allons certainement franchir une étape historique pour la révision constitutionnelle au cours de cette année charnière. Nous devons dépasser les discussions abstraites et stériles sur la question de la modification de la Constitution ou de la protection de la Constitution. ». C’est même en présence d’un ancien Premier ministre que ces mots ont été prononcés, mais pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Yasuhiro NAKASONE (3 mandats successifs de 1983 à 1987), qui a lui-même par le passé tenté de revoir la Constitution du Japon. Tout un symbole ! Ce n’est donc pas surprenant donc que le Premier ministre réaffirme ce 3 mai 2017 la volonté de réviser la Constitution.  Mais ce qui est symbolique ici et inédit, c’est la date choisie pour annoncer une date limite pour parvenir à cet objectif. En effet,  le 3 mai au Japon est l’anniversaire de la Constitution, dit Kenpô Kinenbi, et cette année signe son 70ème anniversaire. Or cette Constitution est remise en cause par une partie de la population japonaise, et notamment du lobby ultranationaliste Nippon Kaigi (appelée également Conférence du Japon dont sont proches le Premier ministre et nombreux membres du Parti Libéral Démocrate), car dictée par les Américains, puisque le Japon était sous tutelle américaine de la fin de la Seconde guerre mondiale à 1952 et par conséquent, selon eux, la Constitution du 3 mai 1947 n’est pas acceptable. De plus, ce qui est remis en cause en particulier, du moins par le Premier ministre, est une spécificité du Japon, à savoir l’article 9 de la Constitution qui, rappelons-le, dit : « Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux. Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu. ». Si la volonté du Premier ministre semble plutôt de le réinterpréter  c’est pour, selon ce qu’indique Shinzô ABE d’après les propos rapportés sur le quotidien Nikkei Asian Review, justifier l’existence même des Forces d’Auto-Défense et inscrire clairement le droit à se défendre du Japon, lui permettant alors de clouer le bec des détracteurs estimant que les Forces d’Auto-Défense sont anticonstitutionnelles. Le contexte diplomatique actuel avec la Corée du Nord est également un motif tombant à point nommé pour donner un coup d’accélérateur à l’objectif de Shinzô ABE. Toutefois, amender la Constitution ne se fait pas du jour au lendemain, or, il se pourrait bien que cette fois le Premier ministre, en fin stratège,  parvienne à son but, puisque grâce aux dernières élections (juillet 2016), le chef du gouvernement a la majorité aux 2/3 de la Chambre basse comme dans la Chambre haute.  Sans oublier que le Parti Libéral Démocrate a voté récemment en faveur de l’allongement du mandat à 9 ans (au lieu de 6 jusqu’alors) pour le président du parti, donc Shinzô ABE, ce qui signifie que lors des prochaines élections prévues en décembre 2018, Shinzô ABE pourrait garder son poste, à condition que le PLD remporte les élections. Ce dernier disait aujourd’hui même dans un message adressé à la population : «  2020 est l’année où un nouveau Japon démarrera, et je veux que cette année voie la nouvelle Constitution entrer en vigueur. ».

 

Inquiétant ? D’un côté il y a le Nippon Kaigi qui est ouvertement révisionniste, et pour ses positions cause des dissensions avec les pays voisins par l’intermédiaire de ses membres installés à des postes d’importance (comme la ministre de la Défense), ce qui jette le trouble quant à une éventuelle nostalgie envers le passé impérialiste du Japon. Et d’un autre côté, il y a la réalité actuelle, soit la situation avec la Corée du Nord, de plus en plus menaçante. Pourtant, d’après des sondages divulgués régulièrement depuis plusieurs années dans la presse nipponne, la population japonaise semblait majoritairement contre la révision de la Constitution et encore moins celle de l’article 9. Mais dans un dernier sondage NHK, il est révélé que 43% des sondés estiment que la Constitution devrait être amendée, et seuls 25% estiment que l’article 9 devrait être revue alors que 57% pensent que cet article doit rester intact, tandis que dans le même temps un sondage réalisé par Asahi Shimbun indique que 49% des sondés sont en faveur d’une révision de l’article 9 et que 47% s’y opposent. Et depuis plusieurs années que le sujet d’une révision de la Constitution est posé par Shinzô ABE, cela a provoqué plusieurs manifestations dont l’un des militants anti-nucléaire et pro-article 9 les plus emblématiques n’est autre que le Prix Nobel de littérature Kenzaburô OE. Mais face à la menace nord-coréenne, le sujet divise et certains avis ont basculé en faveur d’une révision. L’été 2015 après la promulgation de la loi donnant plus de champs d’action aux Forces d’Auto-Défense, de 30 000 (chiffre police) à 120 000 (organisateurs) citoyens protestaient contre la loi au nom de l’article 9 devant le Parlement. A ce temps-là, l’écriture de la loi s’est reposée sur une interprétation de l’article 9 sans que ce dernier n’ait subit de réécriture. Alors, la population va-t-elle de nouveau manifester son opposition suite à cette dernière déclaration du Premier ministre ?

 

Sources : NHK World, Asahi Shimbun, Nikkei Asian Review, The Japan Times.

Photo : Le Premier ministre Shinzô Abe lors du discours du 1er mai avec  sa gauche l’ancien Premier ministre Yasuhiro Nakasone, source : Asahi Shimbun ©Eiji Hori.

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