La MCJP clôt son 20ème anniversaire avant Japonismes 2018

Depuis mai 2017, avec la venue du Trésor National vivant Man NOMURA, la Maison de la Culture du Japon à Paris célébrait ses 20 ans. Un anniversaire qui s’est achevé en beauté avec Ryûichi SAKAMOTO en mars. L’occasion de revenir sur l’histoire de cette institution et sur 20 ans de programmation avant Japonismes 2018.

Un seijin shiki à l’image du Japon entre tradition et modernité

 

Man NOMURA, via MCJP ©Kumi Akasaka

 

Au Japon, l’âge de 20 ans correspond à l’âge de la majorité. L’âge où les Japonais peuvent voter, prendre leurs décisions en adulte, en bref vivre leur propre vie en toute responsabilité. Un âge important qui est marqué lors du seijin no hi, journée particulière où tous les Japonais ayant 20 ans entre le 2 avril de l’année en cours et le 1er avril de l’année suivante sont célébrés au cours de la cérémonie seijin shiki ! Et c’est bien ses 20 ans que la Maison de la Culture du Japon à Paris a fêté non pas lors d’une journée mais entre mai 2017 et mars 2018. L’institution a bien entendu marqué cet anniversaire en faisant venir des artistes prestigieux en commençant les festivités par l’impressionnant Man NOMURA, Trésor National vivant, venu interpréter avec sa troupe plusieurs pièces du théâtre kyôgen.  Art théâtral traditionnel japonais, le kyôgen se situe dans un registre comique, faisant alors rire le public en salle à travers trois pièces : « Sambasô », « Le Grand Conseiller Kanaoka » et « Un hakama pour deux ». Enfin, cet anniversaire s’est achevé avec le talentueux musicien Ryûichi SAKAMOTO, dans le cadre d’un partenariat entre la MCJP, le Centre Pompidou-Metz et le Festival Variations. Le musicien a investi la grande salle durant deux jours début mars pour présenter une installation sonore et visuelle « dis.play », en collaboration avec un ami de longue date Shiro TAKATANI (avec qui il avait déjà créé une installation pour la Fondation Cartier en 2016). L’artiste proposait une expérience auditive en interprétant des titres issus de son album « async », revisités sur des instruments expérimentaux  tels des panneaux de verre avec micros intégrés ou des carillons créés par le sculpteur Val BERTOIA. La MCJP proposait donc tant une programmation traditionnelle qu’actuelle, à l’image de la mission qu’elle s’était fixée à sa création. D’un regard extérieur il semble surtout qu’il y a de plus en plus d’évènements culturels importants proposés ces dernières années, traditionnels comme contemporains, à l’image, par exemple, d’« Anofuku – le vêtement réinventé » réunissant deux grands créateurs de mode japonais, dont l’un présente régulièrement ses collections lors de la Fashion Week parisienne.  Un objectif qui est davantage d’actualité comme l’écrit le président de l’institution, Tsutomu SUGIURA en édito du programme trimestriel: « Plus que jamais cette année, nous allons poursuivre la construction de cette belle histoire d’échanges culturels entre l’archipel et la France. ».  Si l’institution a atteint aujourd’hui l’âge de la majorité,  a-t-elle changé sa programmation et offre-t-elle une plus grande diversité de la culture japonaise ? On ne peut qu’attester d’une évolution de la programmation dans le sens où ces manifestations culturelles sont plus nombreuses désormais, tant dans les expositions que les spectacles et les autres activités de l’institution, ce qui tombe parfaitement pour les évènements liés à Japonismes 2018 qui vont bientôt débuter et dont la MCJP est la cheffe de file, en tant qu’antenne en France de la Fondation du Japon !

 

« dis.play » de Ryuichi Sakamoto et Shiro Takatani, via MCJP Da Ping Luo © 2017, courtesy of park avenue armory / photomontage by Shiro Takatani

 

Une institution pensée 15 ans son inauguration

 

La MCJP en construction, via MCJP.

 

Bien qu’inaugurée en 1997, c’est pourtant dès 1982 qu’a été pensée la création de la Maison de la Culture du Japon à Paris ou en japonais パリ日本文化会館 (Paris Nihon Bunka Kaikan)! Quand le Président français François MITTERRAND s’est rendu au Japon rencontrer le Premier ministre Zenko SUZUKI, il lui soumet l’idée d’une institution à Paris pour présenter la culture japonaise aux Français. Une idée suivie de la proposition d’un emplacement quai Branly qui sera définitivement acceptée par le Premier ministre Yasuhiro NAKASONE en 1985. Mais la MCJP sera inaugurée bien des années plus tard, pour des raisons diverses, étatiques comme diplomatiques. D’abord comme le relate Les Echos en 1997, parce qu’il y avait des désaccords entre l’état français et la Mairie de Paris concernant le terrain choisi sur lequel l’institution sera bâtie, résolu seulement en 1993 par la délivrance d’un permis de construire.  Entre temps, un concours est mis en place pour choisir l’architecte et en 1990, Masayuki YAMANAKA et Kenneth ARMSTRONG  sont choisis par un jury pour la construction du bâtiment en verre de 7 500m² qui se compose ainsi : une grande salle au -3 accueille les spectacles et les séances de cinéma, le rez-de-chaussée les petites expositions et les conférences dans la petite salle, les 1er et 4ème étages comportent les salles de cours, le 2ème étage est dédié aux grandes expositions, le 3ème est consacré à la bibliothèque et enfin le 5ème étage accueille le pavillon du thé, une salle de réception, puis dès 2007 l’étage accueillera aussi une cuisine professionnelle.  Cependant, lorsque Jacques CHIRAC est élu Président de la République française en 1995, il annonce la reprise des essais nucléaires. C’est alors un choc pour le Japon qui suspend un temps les projets d’échanges culturels comme l’Année du Japon en France qui devait se dérouler en 1996. Mais parce qu’il n’y avait jusqu’alors aucun espace officiel pour faire rayonner la culture japonaise en France, à l’inverse de la France qui a la Maison Franco-Japonaise au Japon depuis 1925, ni même en Europe. Finalement l’intérêt culturel prime et l’Année du Japon en France est reportée en 1997, pile pour l’inauguration de la MCJP. En amont, il est créé un comité au Japon comme en France chargé de veiller au bon fonctionnement de la « Maison » – comme l’appelle tous ceux qui y travaillent, ce qu’aujourd’hui on appelle le conseil d’orientation de la MCJP et qui est composé d’une dizaine de membres issus de secteurs publics comme privés français et japonais, dont certains sont là depuis le début. La Fondation du Japon, haute instance dédiée aux échanges culturels entre le Japon et le reste du monde, s’installe au sein du 101bis quai Branly pour assurer le bon fonctionnement et la gestion de l’institution. La MCJP devient l’antenne française de la Fondation du Japon avec pour objectif d’être un lieu de rencontres, de communication et d’études grâce aux différentes manifestations culturelles qui s’y tiennent. Ainsi, la MCJP fonctionne grâce aux moyens alloués par la Fondation du Japon, mais aussi grâce aux cotisations de ses adhérents et enfin, grâce aux soutiens provenant du secteur privé. Pour diriger l’institution, Hisanori ISOMURA, francophone et francophile reconnu qui a fait toute sa carrière chez NHK jusqu’à en être le directeur général (1991), est choisi et dirigera la MCJP jusqu’en 2005. A ses côtés, en tant que directeur des affaires culturelles, Tsutomu SUGIURA, qui deviendra moins de 20 ans plus tard le président de l’institution ! Enfin, le 13 mai 1997, la Maison de la Culture du Japon à Paris est inaugurée en présence du Président Jacques CHIRAC et de la Princesse Sayako, mais c’est seulement le 24 septembre 1997 que l’institution ouvre ses portes au public avec l’exposition « Le siècle du design : Art-Info, présent et futur ». Depuis, c’est une variété de rendez-vous dont certains fidélisent ses visiteurs qui sont proposés : des expositions d’art ancien, comme celle sur l’artisanat Raku en 1997 ou celle l’art Jômon en 1998 –qui a favorisé la visite à plusieurs reprises du Président CHIRAC, japonophile  connu,  des expositions d’art récent avec dès 1999, à une époque où le manga est en plein essor en France, « Manga: une plongée dans un choix d’histoires courtes », des cours de japonais –une des pincipales missions de la fondation, des ateliers pour les plus petits comme les plus grands comme la création de kamishibai, des cérémonies du thé, ou des cours de cuisine qui sont proposés, voire offerts en entrée libre aux publics. Le bâtiment propose également des concerts de musique classique comme moderne, organisant par exemple depuis 2000 le festival Jazz in Japan, et des spectacles vivants variés allant du théâtre classique tel le au plus contemporain dans la programmation. La MCJP a su aussi se démarquer à travers le cinéma japonais, encore aujourd’hui trop rare en France, et dont la programmation a toujours été éclectique, alternant entre classiques de Yasujirô OZU ou Akira KUROSAWA, des documentaires et des films récents, voire inédits, notamment durant le festival de cinéma contemporain japonais Kinotayo que la MCJP soutient depuis 2006. Sans oublier qu’en marge de la plupart des manifestations culturelles présentées, se tiennent de nombreuses conférences, qui viennent appuyer les propos des artistes invités.

 

Une « Maison » tournée davantage vers les publics

 

« Paradise » de Dairakudakan, via MCJP, ©Hiroyuki Kawashima

 

Si la création de l’institution paraît longue, il a fallu 15 ans pour qu’elle voit le jour, il s’avère que l’éclectisme est le maître-mot dans l’offre culturelle de la MCJP, et ce, dès son inauguration. Mais il apparaît aussi que l’institution a su évoluer en augmentant le nombre de manifestations et en tentant ces dernières années de nouvelles choses, cherchant alors de nouveaux publics. Car avec une fréquentation de 85 000 visiteurs pour le bilan 2016, un chiffre honorable et stable ces dernières années, il fallait néanmoins progresser, d’autant que l’espace culturel est accessible à tous en entrée libre, exception faite de ses spectacles,  séances de cinéma et autres rendez-vous spécifiques. Et c’est en amont de ses 20 ans que la MCJP a opéré des changements visibles, sans rien changer à sa nature soit un espace dédié à faire rayonner la culture japonaise traditionnelle comme contemporaine. Il suffit de consulter son site internet pour le constater puisqu’il s’y trouve désormais de nombreuses informations non seulement sur la programmation de l’institution et de ses partenaires mais également, depuis 2016, des dossiers à l’attention des internautes pour encore mieux apprivoiser la culture japonaise ! Réalisés par la bibliothèque, lieu accessible d’ordinaire à tous les visiteurs pour les consultations sur place, et dont 9 000 ouvrages sont disponibles au prêt à la condition d’être adhérent type B, le site propose une revue de presse annuelle de l’actualité japonaise mais aussi des dossiers liés aux évènements de la MCJP comme un dossier sur Ryûichi SAKAMOTO, ou sur la danse butô à l’occasion de la venue de la compagnie Dairakudakan, ou encore des dossiers thématiques sur la littérature policière, le bain japonais ou encore les chats ! Au-delà de ces éléments de lecture, compléments d’information, c’est aussi à travers les nombreuses conférences, rencontres et colloques proposés que le Japon se décrypte, culturellement et intellectuellement. Politique, géopolitique, arts, technologie, culture pop, cuisine, ou encore récemment le jeu vidéo… Tous les sujets sont abordés et débattus entre intervenants puis avec le public au sein de l’institution, offrant ainsi plusieurs regards sur une même question. Surtout, ces rencontres sont alors aussi des occasions rares voire uniques de prendre contact avec des professionnels japonais en France. Comme évoqué plus haut, à regarder de plus près la programmation de la MCJP depuis 1997, cette évolution s’opère principalement un peu avant les 20 ans de l’institution, puisque dès 2015 se tient la première soirée clubbing avec  Tokyo Hit  avec le duo Hifana, au cours duquel l’institution était ouverte au public toute la nuit ! Une expérience réitérée en avril 2017 avec rien de moins que « le Pape de la techno » Ken ISHII. Ou encore en faisant venir pour sa première scène étrangère le groupe pop-rock Queen Bee, dont la leader est un véritable ovni cultivant l’ambiguïté, pour la Fête de la musique 2016. C’est aussi à travers la création présentée en première mondiale que la MCJP se démarque désormais en invitant, par exemple, Keiichiro SHIBUYA, Justine EMARD et Jérémie BELINGARD à monter le spectacle franco-japonais « Parade for the End of the World »  en 2016, dont le spectacle a été enfin présenté au Japon il y a quelques semaines. Enfin, côté exposition, la MCJP a mis en place depuis 2016 le cycle Transphère  dédié à la scène contemporaine émergente et où sont exposées des œuvres inédites ou réinterprétées à l’instar d’« émotions de croire » de Rei NAITO.

 

Affiche de « Parade for the End of the World » pour le Yokohama Dance Collection, via Ambassade de France au Japon.

 

La Maison de la Culture du Japon à Paris n’est pas restée figée depuis sa création, bien au contraire. Elle a progressivement amélioré et augmenté son offre aux différents publics au fil des années, mais elle a, dès sa création, toujours maintenu un cap associant tradition et modernité. Si elle permet une meilleure compréhension du Japon et de toutes les facettes de sa culture tout comme elle cherche à favoriser les échanges franco-japonais, la MCJP souhaite dorénavant toucher d’autres publics qui viendraient du monde entier pour être un véritable espace d’échanges multiculturels, « quintessence pour l’enrichissement de notre culture » comme nous le confiait Tsutomu SUGIURA, actuel président de l’institution. Preuve en est avec les créations collaboratives entre artistes de différents pays ! Et avec l’arrivée prochaine de Japonismes 2018, la MCJP compte bien rester un des lieux incontournables en France en proposant également ses propres évènements parmi lesquels on peut déjà noter deux expositions d’importance comme une nouvelle exposition sur l’art Jômon, ou celle sur l’artiste calligraphe Yu-ichi INOUE prévue en ouverture de Japonismes 2018 soit à partir du 14 juillet ! Si la MCJP a été inaugurée l’Année du Japon en France, 21 ans plus tard, l’année 2018 en France sera-t-elle tout autant japonaise, bien qu’officiellement le gouvernement français dédie cette année à la « Saison France/Israël » ?

 

 

Photo : La façade de la Maison de la Culture du Japon à Paris, via MCJP.

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