Plus de deux mois après une arrestation très médiatisée, Carlos GHOSN est toujours en détention. Lâché il y a peu par le gouvernement français, il vient d’accorder sa première interview au quotidien Nikkei.
Une lente descente aux enfers. C’est ainsi que nous pourrions décrire la situation de l’ancien homme fort de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Depuis son arrestation médiatique à l’atterrissage de son avion le 19 novembre 2018, le franco-libano-brésilien est en détention, où il était contraint au silence. Les seules visites autorisées étaient celles des ambassadeurs de France, du Liban et du Brésil, au Japon et celles de son avocat, voyant rarement sa famille en raison des règles selon lesquelles chaque visite doit se faire en présence d’un garde et les discussions uniquement en langue japonaise, ce que Carlos GHOSN ne maîtrise pas. Des conditions de détention décrites comme spartiates voire inhumaines au point que son épouse les avait dénoncées dans une lettre à l’organisme Human Right Watch. Elle n’est pas la seule, le Président Emmanuel MACRON ayant également publiquement exprimé sa préoccupation il y a quelques jours. D’un autre côté, après avoir été soutenu au départ par la France par la voix du ministre de l’Economie Bruno LE MAIRE, ce dernier demandait finalement le 17 janvier à Renault de désigner un successeur à Carlos GHOSN. Plusieurs jours auparavant, à sa demande, Carlos GHOSN comparaissait devant le juge pour clarifier les raisons de sa détention, tout en réfutant alors toutes les accusations à son encontre. L’ancien leader de l’alliance en a dit un peu plus en accordant une interview au quotidien économique japonais Nikkei, et traduit en anglais sur Nikkei Asian Review. Un entretien de 20 minutes, réalisé dans le centre de détention où il est incarcéré. Carlos GHOSN y nie toutes les accusations à son encontre – il est accusé d’avoir minoré ses revenus entre 2010-2015, puis entre 2015-2018, et il est également accusé d’abus de confiance aggravée, soit trois charges pour lesquelles il risque 15 ans de prison. Il attaque aussi ceux qui l’auraient mis dans cette situation précisant qu’il n’avait « aucun doute que les charges contre lui étaient le résultat d’un complot et d’une trahison par l’exécutif de Nissan, opposé à son projet d’une plus profonde intégration entre Renault et ses deux partenaires japonais de l’alliance. » admettant le projet de fusion. Surtout, il semble désigner celui qui l’a trahi en déclarant que « ce projet avait été discuté avec le président de Nissan Hiroto SAIKAWA en septembre », soit deux mois avant son arrestation. Rappelons qu’Hiroto SAIKAWA avait été le premier à dénoncer publiquement et de façon étonnamment virulente la culpabilité de Carlos GHOSN alors qu’il n’était pas encore inculpé. L’ancien PDG raconte aussi avoir voulu inclure dans les discussions le président de Mitsubishi, mais déclare auprès du Nikkei que c’est Hiroto SAIKAWA qui aurait refusé la présence du PDG de Mitsubushi pour privilégier « un tête-à-tête ». Accusé d’avoir dirigé l’alliance durant 19 ans « comme un dictateur », il dénonce des « rumeurs colportées par ses ennemis ».
Depuis que Carlos GHOSN a été contraint de démissionner le 24 janvier, c’est Jean-Dominique SENARD, également PDG de Michelin, qui lui succède à la présidence du conseil d’administration de Renault, assisté de Thierry BOLLORÉ, ancien bras droit de GHOSN et qui a assuré l’intérim depuis le début de l’affaire, à la direction générale. Est-ce que cela suffira à maintenir l’alliance franco-japonaise Renault-Nissan-Mitsubishi ? Pas sûr. Peu avant la démission de Carlos GHOSN, à l’occasion de la visite d’une délégation française au Japon, la France aurait poussé le Japon à penser fusion. Ce que rejette complètement Nissan par la voix de Hiroto SAIKAWA pour qui « il n’y a pas lieu d’en discuter maintenant ».
Photo : portrait de Carlos Ghosn lorsqu’il était à la tête de l’alliance via site officiel Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi
Source : Asia Nikkei Review