#Kutoo : quand les femmes tentent de mettre fin à une inégalité

Début 2019, apparaissait sur Twitter le hashtag #KuToo, contraction des termes « me too » et « kutsu » (« chaussure » mais aussi, si on le lit « kutsû », « souffrance » en japonais). Retour sur un mouvement dont une étude vient de révéler la difficulté pour les femmes de faire accepter leurs revendications.

Au moment où le #MeToo ou même le #WeToo peinait à convaincre au sein de la population japonaise, un autre hashtag a fait son apparition sur Twitter. #KuToo, contraction des termes « me too »,« kutsu » comme « chaussure » et de  « kutsû » comme « souffrance », est lancé par Yumi ISHIKAWA lorsqu’à la suite d’un message qu’elle a posté le 24 janvier 2019, elle y ajoute les hashtags #MeToo et #KuToo. Elle s’y plaignait d’une obligation au sein des entreprises japonaises selon laquelle les femmes doivent porter des chaussures à talon. Elle y raconte sa propre expérience comme hôtesse d’accueil à temps partiel qu’elle a dû interrompre  tant elle avait mal aux pieds à force de porter des chaussures à talon. Après tout, pourquoi aurait-elle dû continuer à souffrir en étant debout sur des talons 8h durant tandis que ses collègues masculins étaient confortablement à plat ? Visiblement, elle n’était pas la seule à souffrir puisque son tweet a été aimé par plus de 65 000 internautes et relayé plus de 29 000 fois, recevant également de nombreux témoignages en commentaires ! De nombreuses femmes ont alors osé poster des photos de leurs pieds meurtris. Encouragée par ce soutien Yumi ISHIKAWA a donc lancé une pétition dans la foulée demandant au ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales d’intervenir sur cette question, récoltant plus de 17 000 signatures (plus de 30 000 à ce jour). Cette pétition, toujours en ligne, réclamait au ministère de mettre fin à cette obligation de la part de employeurs et de laisser le choix aux femmes de porter des chaussures plates si elles le souhaitaient. Les arguments pour leur accorder ce droit sont d’ordre médical comme par exemple les nombreuses blessures aux pieds infligées par le port des escarpins, les douleurs au dos, des déformations des pieds… Si ce mouvement paraît dans le fond plus léger que le Me Too japonais, il se greffe néanmoins sur ce mouvement et est révélateur d’une oppression et d’une inégalité toujours présente dans ce pays -rappelons aussi que le Japon est à la 110ème place sur 149 sur l’inégalité hommes-femmes. Le 5 juin, le ministre du Travail a répondu à cette pétition devant la Diète, estimant que cette obligation pouvait être considérée comme un harcèlement moral dans le cas où une femme serait blessée. Cependant, il a refusé de mettre fin à cette obligation en soutenant qu’il s’agit d’une norme nécessaire généralement bien acceptée dans le pays.

 

A l’image de la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes, le mouvement #KuToo n’a finalement pas réussi à s’imposer au Japon. Tout comme les femmes qui se sont plaintes avec le #MeToo, Yumi ISHIKAWA a dû subir de nombreuses critiques négatives avec le #KuToo. De plus, six mois après l’apparition du hashtag, les résultats d’une étude effectuée auprès de 32 firmes et réalisée par Kyodo News viennent d’être rendus publics. La majorité de ces entreprises japonaises, des banques, des compagnies aériennes ou encore des grands magasins, refusent d’abandonner cette obligation du port de chaussures à talon. Au contraire, selon un autre sondage effectué par Business Insider Japan début juin, 60% des femmes auraient constaté un renforcement de cette obligation dans leur entreprise. Les raisons évoquées pour  justifier le maintien d’un tel règlement : « préserver un look professionnel » et « éviter de mettre mal à l’aise le client », ou encore car il s’agirait de « bonnes manières ». Ce qui souligne la difficulté de changer les choses, même pour une chose pouvant paraître si bégnine à nos yeux que le droit pour une femme de porter des chaussures plates au travail. Cette norme réside dans la société japonaise qui a une vision bien ancrée de ce à quoi devrait ressembler une femme active. C’est ce que concluait déjà la presse japonaise au mois de juin. S’appuyant sur une étude dévoilant que 82% des femmes travaillant à plein temps souffraient de problèmes aux jambes et aux pieds, le Mainichi Shimbun préconisait dans son éditorial du 8 juin que « Les normes sociales japonaises selon lesquelles les femmes devraient être féminines et remplir leurs devoirs de mères, tout comme les coutumes se basant sur de telles idées, ont de toute évidence retardé la mise en oeuvre de l’égalité des genres dans ce pays. Si ces normes sont fondées sur une accumulation d’ignorance et de préjudice, il appartient à la branche administrative de les rectifier. ».

 

 

Sources : Mainichi Shimbun, The Japan Times, BBC, Time.

Illustration de ©Rika ASAKAWA via Courrier International.

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