
Le festival de cinéma japonais contemporain Kinotayo est sur le point de s’achever à Paris, mais les projections vont se poursuivre dans toute la France jusqu’en février 2020 ! Retour sur Siblings of the Cape de Shinzo KATAYAMA. Attention, le film est interdit aux moins de 16 ans.
Siblings of the Cape est le tout premier long-métrage de Shinzo KATAYAMA, dont il a également endossé les casquettes de scénariste et de producteur. Un projet dont le travail a commencé il y a 10 ans ! Siblings of the Cape ( Misako no kyodai pour le titre original) raconte l’histoire de Yoshio, souffrant d’un handicap physique, et de sa soeur Mariko, atteinte d’un handicap mental. Si Yoshi prend soin de sa soeur, il se retrouve sans emploi à cause de son invalidité alors que tous deux vivent déjà dans une situation précaire. Un jour, après avoir réalisé que Mariko avait eu une aventure sans lendemain, Yoshio décide de prostituer sa sœur afin de survivre financièrement.

Entre deux projections, Tokyo @ Paris rencontre le réalisateur Shinzo KATAYAMA à Paris. Un premier film certes, mais Siblings of the Cape est loin d’être la première expérience cinématographique du réalisateur. Shinzo KATAYAMA a côtoyé de nombreux réalisateurs, cela fait 15 ans qu’il travaille dans le cinéma, assistant notamment le réalisateur de pink eiga (« cinéma érotique ») Genji NAKAMURA ou encore le réalisateur coréen BONG Joon-ho, récemment récompensé de la Palme d’or à Cannes pour Parasite. Des « maîtres » dont il a tenté d’écarter l’influence sur son long métrage pour se concentrer sur « le film qu’[il] voulait faire ». C’est parce que Shinzo KATAYAMA voulait réaliser son propre film avec son originalité. En revanche, comme le réalisateur se mettait à la place du producteur pour la première fois, il reconnaît que ses expériences diverses lui ont permis d’établir plus simplement le budget de son film. Une mise en place néanmoins longue car l’idée de réaliser son film est né en 2009, mais qui s’explique par la difficulté à trouver des financements en tant que producteur indépendant. Shinzo KATAYAMA évoque aussi la réécriture et la correction de son scénario d’origine qui lui a pris du temps, n’aimant pas celui qu’il a écrit initialement. C’est en discutant avec l’équipe qu’il s’est constitué que l’histoire d’un frère et d’une sœur a émergé, donnant plus d’intérêt au scénario. Après avoir vu le film, je sors en ayant été moins choquée par les actions de Yoshio et Mariko que l’attitude des personnages autour d’eux. Je me demande alors si Shinzo KATAYAMA ne cherchait pas plutôt à provoquer quelque chose chez les spectateurs ? En effet, le réalisateur me confirme avoir voulu changer le regard des spectateurs avec ce film. Il m’explique l’existence du kando poruno ou « pornographie de l’émotion » au Japon. Ces kando poruno montrent des histoires avec des personnes handicapées qui émeuvent les spectateurs (ailleurs, on appelle ça Inspiration porn, qui n’a pas à voir avec la pornographie mais la mise en scène des personnes handicapées en les présentant comme sources d’inspiration à cause de leur handicap.). Shinzo KATAYAMA ne voulait absolument pas faire de kando poruno à travers Siblings of the Cape, au contraire, il veut que les spectateurs (valides) regardant ce film voient les personnages principaux au même niveau, sans les regarder avec pitié ou cette émotion qui caractérise les kando poruno. Il veut provoquer un autre regard sur le handicap. D’ailleurs, pour donner matière à Yoshio et particulièrement Mariko, Shinzo KATAYAMA s’est beaucoup documenté sur le sujet. Cela ne vous a peut-être pas échappé, mais la presse japonaise comme internationale a relayé de nombreux faits tout au long de ces dernières années mettant en cause le traitement réservé aux personnes atteintes d’un handicap, sans oublier le massacre en 2016 dans un institut à Sagamihara. Shinzo KATAYAMA s’est inspiré de plusieurs faits divers et plus particulièrement l’histoire d’une fille handicapée qui s’est prostituée plusieurs fois et s’est retrouvée en prison à plusieurs reprises. Mais il faut surtout souligner la performance de Misa WADA, qui est étonnante dans le rôle de Mariko. Si l’actrice a été choisie lors d’une audition classique, elle a effectué le travail de préparation en regardant le documentaire Chizuru de Akazaki MASAKAZU (2011) mais aussi en se rendant dans une institution pour personnes handicapées et en y travaillant quelques temps comme bénévole. On ne peut être qu’en accord avec la description de son interprétation par Shinzo KATAYAMA : « Misa WADA a l’air misérable et en même temps on peut rire avec elle, elle a l’air très vivante dans le rôle de Mariko. ».
Shinzo KATAYAMA est déjà sur un nouveau projet de film et dont il nous annonce que le scénario est déjà en cours d’écriture. Et si Siblings of the Cape est interdit aux moins de 16 ans, ce prochain film devrait être « destiné à un plus large public ». C’est en tout cas le souhait du réalisateur.
Projection des films de la sélection Kinotayo, dans les salles de cinéma hors Paris jusqu’au 2 février 2020.
Remerciements à Shinzo Katayama et à l’équipe de Kinotayo.