Internet, Plastic Love et City Pop

Ces derniers temps, un certain nombre d’artistes ont publié une reprise de Plastic Love de Mariya TAKEUCHI, un titre pop japonais des années 80. Si cette chanson a eu un succès moyen à sa sortie au Japon, c’est par hasard qu’il devient mondialement populaire des décennies après sa sortie grâce à internet, donnant un nouveau souffle à un genre musical méconnu jusqu’alors dans le reste du monde.

Si vous traînez sur internet, vous êtes peut-être déjà tombés sur cette vidéo ?

Cette chanson, c’est Plastic Love de Mariya TAKEUCHI. Un titre sorti au Japon en 1984 dans l’album Variety et sorti en single en 1985. Plastic Love a été écrit et composé par Mariya TAKEUCHI et produit par Tatsuro YAMASHITA, le mari de la chanteuse. A sa sortie, le single s’est placé en 86ème place du Oricon Singles Chart, pas la meilleure position pour la chanteuse surtout que l’album associé a obtenu la 1ère place. C’est un internaute, fan de la chanson, qui a posté cette vidéo en l’illustrant avec la pochette d’un autre single de la chanteuse sur YouTube en 2017, provoquant le début d’un phénomène.

La City Pop c’est quoi ?

La City Pop est un genre de la musique pop japonaise ou J-pop, intégrant des influences étrangères comme la funk, soul et disco. On situe son apparition dans la fin des années 70 dans un contexte de boom économique au Japon, favorisant l’émergence d’une nouvelle classe moyenne. L’ambiance se veut festive, frivole et positive, tout en évoquant parfois une forme de solitude, la prospérité économique apportant des changements sociétaux vers un mode de vie plus urbain.  La musique est le reflet de cette époque et de cette ambiance avec des sonorités et des paroles optimistes.  Il est donc peu étonnant que la City Pop décline dès l’éclatement de cette bulle économique dans les années 90.

Au-delà d’un style pop particulier tourné vers l’optimisme et l’insouciance, c’est aussi un style graphique accompagnant les pochettes d’albums très proche des visuels de publicité de l’époque. Bien des décennies plus tard, à partir de 2010, c’est grâce à l’émergence du vaporwave, où des artistes réarrangent d’anciens sons par obsession ou en réaction à une société consumériste, et grâce à internet que la City Pop fait son retour progressif. Les internautes à travers le monde découvrent des titres inconnus jusqu’alors chez eux. Certains titres font l’objet d’une véritable fascination ! Des labels se mettent à proposer leurs CD, comme le label américain indépendant Light in the Attic qui a sorti des compilations dédiés à la City Pop en commençant en 2019 par Pacific Breeze: Japanese City Pop, AOR & Boogie 1976-1986. On constate également que cette appréciation de la City Pop s’effectue chez nous, avec par exemple l’utilisation du titre Machi no Dophin de Kingo HAMADA, autre chanteur City Pop, dans le jingle de la chronique Le Canap’ d’Etienne CARBONNIER sur Quotidien (TMC). Petite anecdote pour ceux qui regardent l’émission et qui auraient eu la curiosité de chercher le titre de la chanson : celle-ci apparaît dans les crédits comme étant Crystal Dolphin par Engelwood. Il s’avère que ce dernier a utilisé le refrain de la chanson originale pour le remixer et l’a diffusé sur Tik Tok. Un tel phénomène qu’il en a même sorti un clip dont les codes visuels sont ceux de la City Pop. C’est grâce à cela que la chanson originale s’est fait connaître sur internet, au point de devenir un meme illustrant des ratés (Crystal Dolphin Meme) ! En août dernier, c’est une autre artiste de l’ère City Pop qui a fait son retour, l’idole des années 80 Momoko KIKUCHI (également membre de RA MU). Pour célébrer la mise en ligne de ses titres, en solo et avec RA MU, sur les plateformes d’écoutes légales de streaming, Momoko KIKUCHI a collaboré avec le DJ coréen Night Tempo, qui a sorti l’album Momoko Kikuchi – Night Tempo presents The Showa Groove.

Plus globalement, le comeback de la City Pop se fait plus particulièrement à travers le titre Plastic Love de Mariya TAKEUCHI ! Là encore, ce sont les internautes, et aussi grâce aux algorithmes YouTube, qui s’emparent de ce titre pour en faire un phénomène.  En 2017, la vidéo non officielle postée sur YouTube est visionnée plus de 24 millions de fois avant une suppression pour problème de droits d’auteur. Le succès est tel que cela pousse la Warner Music Japan à sortir un clip officiel en 2019, à l’occasion des 35 ans du titre !

La chanson est devenue un tel phénomène mondial grâce à internet que bon nombre d’artistes actuels proposent de nouvelles interprétations, ce qui peut parfois les aider à se faire connaître du public. Voici une sélection de reprises officielles récentes :

  • eill : jeune artiste et icône mode de 23 ans, elle se définit comme une artiste néo city pop ! Elle se fait connaître plus largement du public après avoir sorti en avril le générique de l’anime Tokyo Revengers (Koko de Iki wo Shite). Pour son 4ème single digital, elle reprend Plastic Love. Cette reprise est remarquée par Mariya TAKEUCHI et Tatsuro YAMASHITA qui disent d’elle qu’elle  « appartient à la nouvelle génération » pour souligner son talent et « sa belle voix ».
  • Friday Night Plans : derrière le nom d’un groupe, une seule artiste : la chanteuse Masumi. Agée de 25 ans, elle s’est fait remarquer en 2017 sur Instagram en postant des reprises de chansons. Elle sort son premier single en 2018, puis sort une reprise de Plastic Love qui la rend populaire.
  • tofubeats : le producteur, chanteur et DJ revisite en 2019 le tube de Mariya TAKEUCHI dans un style qui le caractérise. En France, les amoureux de cinéma japonais l’auront déjà entendu à travers la bande originale du film Asako I&II de Ryûsuke HAMAGUCHI.
  • CHAI : un groupe féminin punk néo kawaii, dynamique et non conventionnel qui s’est fait connaître mondialement grâce à ses deux albums, PINK et PUNK, sortis respectivement en 2018 et 2019, mais aussi plus récemment en collaborant sur More Joy ! du groupe britannique Duran Duran.   CHAI sort une reprise de Plastic Love avec un clip dans lequel le groupe emmène ses fans en balade à Tôkyô en novembre 2020, et explique ce choix car la chanson originale décrit « un sentiment amoureux qu’elles aimeraient expérimenter », ajoutant que « cette chanson est presque comme une illusion ».

Comment expliquer cette passion des internautes pour la City Pop ? En parcourant certains forums et commentaires autour de ce genre musical, on peut lire une véritable appréciation, surtout des jeunes, pour les sonorités de la City Pop. Est-ce un effet de nostalgie pour une période d’insouciance que ces jeunes n’ont pas connu ? N’ignorons pas que ces derniers ont grandi avec la culture pop japonaise, on ne peut alors négliger un effet de curiosité vers la culture japonaise au sens plus large. Que cet intérêt soit temporaire ou plus durable, Internet a déterré la City Pop alors profitons-en pour découvrir (ou redécouvrir) quelques perles méconnues en dehors du Japon que ce soit à travers leurs artistes originaux ou de nouvelles versions !

Sources : Shibuya International, Japan Culture PR Team.

Pour aller + loin: en anglais sur Vice.

Photo principale : pochette de la réédition du single Plastic Love via Warner Music Japan

3 réflexions sur “Internet, Plastic Love et City Pop

  1. Et vive l’algo de Youtube ! J’adore cette chanson qui m’a fait aimer la City pop. Je connaissais déjà deux artistes japonaises des années 80 à savoir Seiko Matsuda et Akina Nakamori et d’en découvrir d’autres, ça fait élargit un peu ses connaissances !
    J’aime beaucoup la reprise de Friday Night Plans (découverte sur Spotify d’ailleurs).

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