L’espace DENSAN s’attache à faire venir des artisans du Japon à chaque nouvelle exposition. Pour le thème de janvier autour des arts de la table, c’est l’atelier Shibata Shikki qui a présenté l’artisanat de la laque de Takaoka.

Au Japon, il existe différentes techniques pour appliquer la laque. Grâce à l’espace DENSAN à Paris, le public avait eu l’occasion au cours de ces dernières années de découvrir le Wajima nuri (application de la laque en couche épaisse) ou encore le Kamakura bori (bois gravé et sculpté recouvert de laque). En réalité, 23 villes japonaises ont leurs spécificités en ce qui concerne le travail de la laque ! En janvier, l’espace DENSAN proposait, dans le cadre d’une exposition consacrée aux arts de la table, une présentation de l’artisanat de la laque de Takaoka, département de Toyama, un savoir-faire apparu au début du XVIIème siècle. Si vous vous rendez à Takaoka, le Takaoka Mikuruma Yama matsuri est un évènement à ne pas rater et qui se tient chaque 1er mai, où le public peut observer des chars, réalisés selon les techniques artisanales locales dont la laque de Takaoka, défiler dans la ville. C’est un matsuri apparu pour célébrer la fondation il y a 400 ans du château de Takaoka par Toshinaga MAEDA et qui depuis 2016 fait partie des 33 masturi inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’UNESCO !


Quand on parle de Takaoka shikki (soit « la laque de Takaoka »), il faut savoir que ce terme regroupe trois techniques spécifiques : Yusuke nuri (du nom de l’artiste Yusuke ISHII, employée durant l’époque Edo et qui n’est plus utilisée de nos jours), Chokoku nuri ( bois gravé laqué) et l’Aogai nuri (objet laqué avec de la nacre). C’est principalement cette dernière technique qu’a présenté Haruyuki SHIBATA, artisan de 3ème génération de l’atelier Shibata Shikki (fondé en 1925).



L’Aogai nuri est reconnaissable aisément par l’intégration de la nacre sur des objets laqués. Avant d’obtenir un élégant objet de laque et de nacre, la première étape consiste à raboter le bois pour donner une forme à l’objet – une étape réalisée par un autre artisan. C’est ensuite que l’artisan de Takaoka shikki applique une sous-couche de laque, filtrée mais non traitée, comme une base pour imprégner le bois, de 3 à 10 fois. Une deuxième sous-couche est ensuite appliquée. Vient ensuite le travail de la nacre. Issue des coquillages, l’artisan doit décoller la nacre en fine lamelle grâce à un appareil grattant. Une étape qui nécessite une dextérité car c’est un processus délicat. Toutefois, s’il y a une erreur elle est rattrapable. Une fois cette nacre obtenue, la forme des motifs de nacre est imaginée avant la pose. Généralement, les motifs utilisés sont ceux rappelant la nature et plus particulièrement les motifs représentant les oiseaux, la lune, le vent et les fleurs. Parfois, l’envers de la nacre grattée est peint dans un coloris, donnant à l’objet final des motifs de différentes couleurs sans jamais perdre les reflets nacrés. La nacre est ensuite appliquée selon différentes techniques en fonction de la forme du motif par un artisan spécialisé dans la nacre, avec un couteau ou avec une aiguille, d’après un motif préalablement dessiné. Une fois cette étape réalisée, l’objet est recouvert d’une surcouche de laque, pour ensuite être gratté. L’objet subit ensuite une sorte de polissage, en étant frotté à l’aide d’un chiffon 5 à 10 fois. C’est l’étape du suri urushi.

A noter que l’objet peut être recouvert d’une laque noire comme rouge. Il suffit pour ce faire de mélanger à la laque des pigments végétaux. Si au Japon, la laque noire et la laque rouge sont largement employées à travers tout le pays, il est tout à fait possible d’utiliser d’autres couleurs. Cependant, Haruyuki SHIBATA précise que la couleur finit par s’altérer dans le temps, y compris la laque rouge.
Aujourd’hui, environ 80 artisans continueraient à pratiquer ce savoir-faire d’après Haruyuki SHIBATA. Hélas, peu de Japonais se procurent des objets en laque de nos jours, à l’exception d’occasions particulières comme des cérémonies. Une des raisons à ce désintérêt est que ces objets se transmettent généralement de génération en génération, c’est pourquoi la principale clientèle actuelle d’objets de laque de Takaoka est la clientèle étrangère, grâce au tourisme. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer car les artisans de Takaoka tentent de relancer l’intérêt des Japonais pour leurs savoir-faire et stimuler la créativité grâce à des ateliers à l’école.

Pour mieux favoriser l’intérêt pour l’artisanat japonais à l’étranger, et notamment la laque de Takaoka, l’espace DENSAN proposait en dernière partie de la présentation, une intervention de Kanako HAGIHARA, fondatrice de l’atelier Un Coin de Table (spécialisé dans la cuisine de saison et les décors de table). Celle-ci était également venue du Japon pour montrer au public une idée de décoration de table avec des produits en laque avec des amuse-bouches. Elle explique que la vaisselle en laque peut être utilisée en toute occasion bien que pour les Japonais, elle soit principalement employée pour le Nouvel An notamment l’osechi. L’osechi ryôri est un terme pour définir les plats préparés avant le Nouvel An et dégustés pendant les trois premiers jours de l’année. Et si les objets de laque sont utilisés pour conserver ces plats, c’est notamment parce que la laque a des vertus antiseptiques, en plus d’être imperméable ! En France, Kanako HAGIHARA proposait une table adaptée à l’Occident en y mêlant verreries françaises à la vaisselle laquée afin de casser le jeu du noir et rouge.
Pour voir la table dressée par Kanako HAGIHARA, allez voir la vidéo sur notre Instagram.
Photo principale: La table de démonstration de Haruyuki Shibata sur laquelle on voit sur la gauche, un objet en bois gravé destiné à être laqué selon la technique du Chokoku nuri, un coquillage sur laquelle est prélevée la nacre et d’autres objets en Aogai nuri ©TokyoatParis
Remerciements à Haruyuki Shibata et l’espace Densan