Le Salon du Saké vient de s’achever, en beauté ! En dépit des restrictions sanitaires, le public comme les maisons de saké japonaises étaient au rendez-vous, que ce soient à travers les producteurs ou les distributeurs. Bilan de cette édition et des actions prises les années précédentes avec le fondateur du salon, Sylvain HUET.
Avec cette pandémie qui dure, on aurait pu s’inquiéter de l’absence de producteurs de saké au Salon du Saké cette année, et pourtant certains d’entre eux ont été bel et bien fait le voyage depuis le Japon ! Et ce, malgré les contraintes et restrictions sanitaires. Le public a été aussi au rendez-vous, à la bonne surprise des organisateurs et des exposants. Cette 7ème édition du Salon européen du Saké et des boissons japonaises n’était pourtant pas gagnée d’avance, reportée déjà en 2020 à cause des mesures sanitaires en France. Rassurés par la campagne de vaccination en France et des mesures semblant faire effet, les organisateurs ont pu maintenir l’édition 2021. Il restait un autre problème : les restrictions aux frontières pour les ressortissants japonais, leur imposant au retour au Japon une quarantaine à domicile. C’est ce qui explique qu’il y avait moins d’exposants que lors des éditions passées. Malgré cette situation compliquée, l’ambiance était bien vivante au Salon du Saké. Pour maintenir leur présence en France, des solutions ont été trouvées par certains producteurs individuels comme des départements, à travers le recrutement de représentants japonais ou français, vivant en France. Des sakés produits en Europe étaient là également, comme Wakazé ou encore le producteur espagnol de saké Seda Liquida qui a même présenté, en plus de ses sakés, Berumotto, un vermouth de saké au goût très intéressant ! Le salon étant un lieu de découvertes, bien entendu de nouvelles marques ont fait leur apparition, issues de collaboration avec de petits producteurs, par exemple Inicié, marque de sakés vieillis qu’on espère pouvoir vous présenter plus en détail prochainement.
Pour l’heure, Sylvain HUET revient sur cette 7ème édition, des difficultés rencontrées et de la situation du saké en France.
L’an dernier nous avons été obligés de décaler mais ce n’était pas non plus gagné pour cette année ! (…) Ce qui était compliqué c’était de savoir si les producteurs et les régions pourraient venir. Or le Salon du Saké ne reçoit aucune subvention que ce soit par le gouvernement japonais ou par le gouvernement français. Il est entièrement autofinancé, ce qui signifie que ce sont les exposants qui permettent la tenue de cet évènement. Et s’il n’y a pas suffisamment d’exposants, il ne peut y avoir de contenu assez intéressant. Finalement, l’équilibre s’est fait. Et cette année on a eu la chance d’avoir 4 préfectures dont une pour la première fois. Hokkaido, Saga, Hiroshima et donc la première participation d’Okayama. Ce qui a agréablement surpris les exposants c’est que le visitorat est venu en nombre ce week-end, notamment les professionnels. Tant que les exposants n’avaient parfois pas suffisamment de saké à faire découvrir, ce qui veut dire qu’on a reçu plus de monde que ce qu’on imaginait ! Et quand les exposants sont contents, je suis content.
Il y a donc un effet post confinement, avec une demande des consommateurs comme des professionnels. Mais quelles sont les conséquences de la pandémie sur le marché du saké en France ?
Le marché du saké s’est comporté comme beaucoup de marchés. Si on regarde sur un laps de temps court c’est une période difficile à passer. Malheureusement les plus fragiles sont ceux qui ont le plus de difficultés parce qu’en fait, une fois que l’activité a pu reprendre, il y a eu de gros rattrapage et donc de bonnes commandes, parfois même du niveau de 2019. Le problème c’est que la situation mondiale continue d’évoluer et la pandémie a beaucoup de répercussion, sur tout ce qui touche aux transports par exemple. Les transports aériens, je pense que beaucoup de particuliers en ont conscience. Aussi le transport maritime est affecté, avec énormément de bateaux bloqués en Chine et aux Etats-Unis. Ce type de transport est le moins cher or j’ai entendu que les prix ont augmenté et donc le saké peut être difficile à faire venir et surtout les bateaux ne sont pas disponibles. Donc il peut y avoir un problème de stock, mais c’est un souci à court terme.
Sylvain HUET
Un autre secteur lié au saké est terriblement affecté, et c’est quelque chose qui avait été promu ces dernières années au Salon du Saké, c’est le saké tourisme où les voyageurs peuvent visiter des régions méconnues ou connues du Japon à travers la découverte de saké et ses producteurs. Or avec la fermeture des frontières japonaises toujours en vigueur, c’est clairement impossible. Un regret pour Sylvain HUET pour qui le saké tourisme est
une manière magnifique de découvrir ou redécouvrir le Japon, y compris des régions qu’on connait déjà. On sort des sentiers touristiques habituels. Un atout (…) même s’il manque encore les infrastructures pour accueillir les publics dans certaines régions. Pour moi c’est une manière de se redécouvrir, quand ce n’est pas du tourisme de masse, c’est une invitation de découvrir son individualité et ce qu’on a en commun dans l’échange.
Le thème de ce Salon du Saké, c’était de se réinventer (ndla : Innover face aux défis sans précédent). Au-delà de nouveaux partenariats, à l’image de celui avec le NTA (ministère des taxes japonais) pour des contenus dédiés aux professionnels, comment faire ce salon en pleine pandémie qui bouleverse nos habitudes sociales dans un évènement où l’objectif est d’être en contact avec des gens ?
C’est vrai que nous, notre modèle au Salon du Saké, c’est de la rencontre humaine : de la rencontre des producteurs et des distributeurs, des distributeurs et des particuliers etc… Alors pour moi c’était inconcevable de faire un Salon du Saké sur internet si on ne joint pas l’acte de la dégustation, car le principe du salon c’est aussi la rencontre du goût et des sens. Pour cette édition, on réinvente avec des formats plus courts pour les ateliers, ce qui permet de tenir ces derniers tout en prenant en compte les contraintes sanitaires et les contraintes économiques. L’être humain a ceci d’extraordinaire qu’il peut être créatif par lui-même, mais c’est généralement dans sa rencontre avec les autres, en travaillant ensemble qu’on a les meilleures idées qui se développent. Et le Salon du Saké c’est véritablement une plateforme pour ces rencontres, ces questionnements (…) et pour s’entraider. Quand j’ai conçu ce salon, c’est pour aider les producteurs et que l’ensemble des acteurs de ce marché travaillent ensemble. C’est d’autant plus important aujourd’hui (…) pour lutter contre ce terrible évènement qui se passe mais qu’il va falloir intégrer dans notre vie pendant encore un moment.
Sylvain HUET

Un autre point important de cet évènement, c’est la pédagogie sur le saké. Depuis ses débuts, le Salon du Saké propose des conférences pour que le public saisisse ce qu’est le véritable saké et mette fin aux idées reçues. Mais aujourd’hui, il semble que le public tend à identifier le saké au vin. Nous avons pu le constater au cours des dernières années, de nombreux ateliers dégustation voire des restaurants proposent des accords mets et sakés, en plus ou à la place d’un accord mets et vin. D’après Etienne BILLARD, sommelier du restaurant Accents et intervenant de la master class sur le saké de Fukui que nous vous décrirons ultérieurement, « il ne faut pas faire ce rapprochement si l’éducation n’a pas été faite ». Sylvain HUET semble d’accord avec lui, revenant sur le plus difficile à faire intégrer.
Le principal mur qu’il faut passer, c’est que la majorité des gens, quand ils entendent saké, pensent à un alcool fort, pas forcément de bonne qualité. Un digestif pour ne pas parler de tord-boyaux. Alors que c’est naturel de rapprocher le véritable saké au vin. Mais il ne faut pas rapprocher le saké au point de l’identifier au vin au risque de perdre ses spécificités ! C’est compliqué. Pas seulement dans la restauration japonaise ! Il y a beaucoup de chefs et sommeliers français qui s’intéressent au saké et qui le font évoluer. La France est en train de faire de la place au saké, beaucoup plus qu’avant. Avant, on l’identifiait comme un tord-boyau, puis le saké est identifié au vin et aujourd’hui, il commence à trouver sa propre place.
Alors est-ce que cette approche pédagogique semble faire effet ?
Ça commence, c’est à différents niveaux or les idées fausses ont la tête dure. Les Français sont assez curieux quand ils découvrent quelque chose de nouveau. Mais quand on pense qu’on connait déjà, ça tue dans l’œuf toute velléité de découvrir et là, pour faire changer les mentalités il faut passer par plusieurs étapes.
Sylvain HUET
Enfin, notons qu’une cérémonie des meilleurs sakés a eu lieu le dimanche d’après le vote du public, le vote des professionnel et un vote commun lié à l’esthétisme. S’il est trop difficile pour Sylvain HUET d’indiquer son favori parmi tous les sakés présentés cette année, il précise être très content des 3 sakés qui ont reçu un prix, notamment le Chitosetsuru Junmai Daiginjo cuvée Zuisho de Nippon Seishu (Hokkaido), qui a obtenu le prix du grand public. Les professionnels ont voté pour un saké de Niigata, Kaganoi Junmai Ginjo de Kaganoi Shuzo, et le prix de l’esthétisme a été remis au saké Shodoshima Fufufu de Shodoshima Shuzo (Kagawa).
- Pour la 8ème édition du Salon européen du Saké et des boissons japonaises, notez déjà que l’évènement se tiendra du 1er au 3 octobre 2022, l’inauguration coïncidera alors avec la journée mondiale du saké (Nihonshu no hi) !
Photo: © Japan Exclusive
Une réflexion sur “Un bilan du Salon du Saké 2021 avec Sylvain HUET ”