Vous pensiez avoir tout vu des estampes ? Saviez-vous que les ukiyo-e pouvaient être destinés aux enfants en ayant une fonction éducative et même ludique ? Avec l’Ouverture du Japon à l’Occident et l’arrivée de l’ère Meiji apparaissent les estampes éducatives que La Maison de la Culture du Japon à Paris vous propose de découvrir jusqu’au 21 mai 2022 !
L’ère Meiji (1868-1912) est définitivement une de mes périodes préférées en termes de production artistique. L’exposition Meiji, Splendeurs du Japon impérial pendant Japonismes 2018 avait présenté des œuvres d’une richesse technique et esthétique auxquelles j’ai été personnellement très sensible, et la nouvelle exposition à la MCJP me conforte dans cette position ! Les enfants de l’ère Meiji. A l’école de la modernité s’attache moins à présenter la création artistique destinée à impressionner le reste du monde, quoiqu’un certain nombre des œuvres exposées avaient pour but de présenter aux étrangers la culture japonaise, surtout, elle propose de nombreuses estampes destinées à l’éduction des enfants au Japon. L’ère Meiji a apporté son lot de bouleversement dans la société japonaise avec la promulgation de la Constitution par exemple.

A la suite de la promulgation d’une loi en 1872, l’école devient obligatoire et en conséquence les terakoya disparaissent au profit de la création d’établissements scolaires sur le modèle occidental. De là naissent des commandes d’estampes ayant une fonction d’éducation en attestent de nombreuses planches illustrées comme les zukushi-e.

Avec l’ouverture du Japon apparaissent également un intérêt pour d’autres langues notamment l’anglais. Il faut alors enseigner ces langues étrangères et totalement différentes à travers des manuels illustrés. Les premiers essais sont touchants dans leur maladresse, puisqu’il s’agit de traduction mot à mot et en lisant l’extrait exposé du Manuel de lecture en anglais de SHÔSAI Ikkei, on voit bien que cela n’a aucun sens ! Fort heureusement, ces manuels d’enseignement évoluent rapidement.

Si les images-jouets ou omocha-e émergent dès l’époque Edo, elles ne concernent qu’une certaine caste de la population, mais avec l’ère Meiji, c’est la fin du Japon féodal et donc des castes, et la société japonaise se réorganise en privilégiant l’individualité et l’ascension sociale par la réussite et ces images se popularisent. Il y a des images pliables ou orikawari-e – on regrette de ne pas pouvoir observer la version présentée avec une version pliée, ainsi que des planches à découper pour habiller des poupées, ou encore des sugoroku équivalent à un jeu de l’oie !


Parmi toutes les estampes présentées, toutes ne sont pas que pour les enfants, représentant également les modifications provoquées par l’ouverture du pays et sa rencontre avec l’Occident. Cette ouverture à la civilisation est appelée bunmei-kaika. Des bâtiments inspirés des constructions européennes ou américaines sont construits, en atteste la construction de la banque Mitsui à Tôkyô qui deviendra la première banque nationale du Japon.

Petite parenthèse pour indiquer que lorsque nous avions visité en février 2020 la ville d’Otaru (Hokkaidô) à environ une heure de Sapporo, nous avions remarqué la présence de nombreux bâtiments de type occidental, ce qui peut surprendre dans une petite ville ! Notre guide local nous avait alors expliqué que fin XIXème siècle plusieurs banques et entrepôts s’étaient installés, convertis depuis pour d’autres usages. Avant l’ouverture du pays, seul le port de Nagasaki était ouvert aux étrangers. Après l’ouverture, il y a eu Yokohama puis Otaru. Il semblerait que cette ville ne se soit vraiment développée qu’à partir de l’ère Meiji, ce qui explique la présence de nombreux bâtiments de style occidental !
Revenons à l’exposition: avec l’ère Meiji, des changements s’opèrent dans le mode de vie. Si les Japonais étaient vêtus de leur tenue traditionnelle au quotidien, l’ouverture favorise un intérêt pour la mode à l’occidentale. Les femmes abandonnent le port du kimono et portent plutôt les robes à tournure et accessoirisent leur coiffure en portant un chapeau. Les hommes abandonnent leur chignon et se coupent les cheveux et portent un costume occidental voire leur uniforme militaire, comme le démontrent des portraits de l’Empereur.

Un autre témoignage instructif vous est présenté dans Les enfants de l’ère Meiji. A l’école de la modernité, cette fois d’un point de vue étranger et plus spécifiquement français, que vous pouvez voir en fin de parcours. Plusieurs illustrations issues des albums O-Ha-Yo et Croquis Japonais de Georges BIGOT, parti vivre au Japon de 1882 à 1899, sont exposées. Elles représentent ce Japon de l’ère Meiji et le changement progressif qui s’opère dans la société, permettant de constater que si les classes supérieures adoptent rapidement la mode occidentale, ce n’est pas le cas de toute la population. C’est donc une exposition vraiment très intéressante sur ce que représentent l’ère Meiji et l’ouverture du pays pour la société japonaise. S’il est impressionnant de découvrir tant d’estampes éducatives, vous avez également l’occasion d’y admirer des estampes représentant le quotidien d’enfants par des artistes japonais renommés tels que YÔSHÛ Chikanobu ou encore OGATA Gekkô, démontrant également que l’intérêt pour les coutumes occidentales ne modifient pas complètement les coutumes japonaises.


A gauche,Portraits de filles par Yôshû Chikanobu, et à droite,La fête du Shichi-Go-San par Ogata Gekkô, Les enfants de l’ère Meiji à la MCJP ©Japan Exclusive
Il y a de nombreux cartels explicatifs tout le long du parcours, avec des textes sous chaque œuvre afin de mieux comprendre de quoi il s’agit sans omettre que les œuvres en elles-mêmes fourmillent de détails sur ce qu’est la culture japonaise. Prévoyez alors au moins une bonne heure et demie pour visiter Les enfants de l’ère Meiji. A l’école de la modernité. Voire un peu plus si vous pouvez vous débrouiller dans la lecture de japonais, cela peut être encore plus amusant de tenter de déchiffrer les textes !
- Les enfants de l’ère Meiji. A l’école de la modernité, du 30 mars au 21 mai 2022 (fermé les dimanches et lundis) à la Maison de la Culture du Japon au 101 quai Jacques Chirac 75015 Paris. Tarif Plein : 5€. Cette exposition montrant notamment des œuvres ayant une fonction éducative, l’institution propose un parcours-jeu à l’attention des enfants ! A suivre également une table ronde Les enfants de l’ère Meiji : nouveaux modèles, nouveaux comportements ? le 9 avril (sur réservation)
D’autres photos de l’exposition à découvrir sur notre Instagram.
Photo principale : Instruction des enfants à l’école primaire de Nikutei Karyô, Les enfants de l’ère Meiji à la MCJP ©Japan Exclusive
2 réflexions sur “Un regard sur Les enfants de l’ère Meiji – A l’école de la modernité à la MCJP !”